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de Lahore, les Afghans tentèrent de l’arrêter; mais ils furent battus et contraints de repasser le Sindh, près d’Attock. La contrée si rapidement soumise par les Mahrattes ne resta que peu de temps entre leurs mains; la solde des troupes étant fort arriérée, il fallut les ramener dans le Dekkan. Malgré les sommes prélevées à titre de contributions, cette première campagne apportait à la confédération un déficit considérable[1]. Seda-Sheo s’en prit à l’inexpérience du commandant en chef, qu’il réprimanda sévèrement, et l’année suivante on se prépara de nouveau à cette conquête de l’Hindostan, si ardemment désirée par les Mahrattes; mais dans ce pays étrange rien ne se faisait comme ailleurs : Seda-Sheo, qui avait la direction de l’armée, choisit pour commandant nominal un jeune homme de dix-sept ans, Viçwanâth-Rao, fils du peshwa, son frère.

L’armée était plus nombreuse encore que dans les expéditions précédentes; jamais prince de l’Inde n’avait mis sur pied une pareille multitude de soldats vaillans et expérimentés. Lorsque, du haut de son éléphant, Seda-Sheo promena ses regards sur ces masses de cavaliers traversant la Nerboudda et marchant avec joie vers les provinces de l’Hindostan, un immense orgueil s’empara de son esprit, et toute sa sagesse l’abandonna. Ajoutant à la fierté du chef d’armée la vanité du brahmane, il souffrit qu’on l’appelât Incarnation de la Divinité[2]. Dès lors ni le vieux Molhar-Rao-Holkar, qui depuis cinquante ans combattait sur tous les champs de bataille, ni les chefs de la famille Sindyah, ni les autres guerriers de renom ne purent faire agréer leurs conseils. La confédération obéissait encore à la voix de celui qui portait le grand étendard national, mais les cœurs ne se tournaient plus vers lui. Pour réussir dans ses projets de conquête, il fallait que Seda-Sheo séparât les uns des autres les chefs mahométans qui tenaient ou pouvaient tenir la campagne dans les provinces du nord de l’Inde. Il envoya d’abord des émissaires auprès des chefs dourranies; leur sultan, Ahmed-Shah, campait sur la rive occidentale du Gange, à vingt-deux lieues à l’est de Dehli, au village d’Anop-Shahar. Il fut détourné de toute alliance avec les Mahrattes par les conseils d’un de ses lieutenans, du nom de Nadjib-Khan. Lors de la précédente guerre contre les Mahrattes, ce dernier avait gagné une bataille dans laquelle le second des fils de Rano-Dji-Sindyah était resté parmi les morts; plus tard, il s’était emparé d’une forteresse dans laquelle le fils unique de Molhar-Rao-Holkar

  1. Il était dû aux troupes une somme de 80 lakhs de roupies, soit 20 millions de francs.
  2. Ses serviteurs l’appelaient tout haut Parsevam-Outar (Parâsou-Râma-Avatara. incarnation du terrible Râma à la hache, qui jadis extermina tous les guerriers, selon la tradition brahmanique.