Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/869

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venaient d’une division à l’autre, lorsque la nouvelle se répandit que les Mahrattes sortaient de leurs retranchemens. Une décharge de toute l’artillerie mise en batterie par ces derniers sur le rempart vint dissiper les doutes de ceux qui espéraient encore dans le succès des négociations. À ce bruit, Ahmed-Shab, qui fumait assis sur la selle de son cheval, passa son narguileh aux mains d’un serviteur et fit ranger ses troupes en bataille.

Les Mahrattes se ruèrent hors de leur camp avec un élan terrible. Au commencement de l’action, un musulman allié des Hindous, Ibrahim-Khan-Gardi, courut au galop vers Seda-Sheo, le salua et lui dit : Vous m’en avez voulu longtemps parce que j’insistais pour recevoir régulièrement la solde de mes gens. Votre trésor a été pillé ce mois-ci, et nous n’avons rien touché... N’importe, vous allez voir si nous avons été payés précédemment sans le mériter... — Cela dit, il prend en main un étendard et charge avec tant de furie un corps de huit mille Rohillas, qu’il en détruit plus des trois quarts. Au centre de l’armée mahratte marchait Seda-Sheo et son neveu le jeune Viçwanâth-Rao, commandant nominal de toutes les troupes de la confédération : ils avaient avec eux les khasseh-pâgâs, soldats d’élite composant la maison militaire des peshwas. Attaquant de front la division du grand-vizir, forte de dix mille cavaliers musulmans, soutenus par sept mille Persans armés de mousquets et mille chameaux portant des pierriers, ils y firent une profonde trouée. A la gauche combattaient Djounka-Dji-Sindyah et Molhar-Rao-Holkar, l’ancien compagnon d’armes et l’ami dévoué de Rano-Dji, l’aïeul de ce jeune guerrier : ils avaient sous leurs ordres environ quinze mille cavaliers. Les Rohillas les reçurent bravement; ils lançaient par milliers des fusées qui jetaient le désordre parmi les chevaux. A côté de ces redoutables partisans marchaient des brigades de Dourranies habitués à voir l’ennemi en face. Sindyah et Holkar ne purent rompre les lignes des musulmans, et leurs charges réitérées n’eurent presque aucun effet.

Il était midi, et les Mahrattes pouvaient compter sur la victoire. Deux des divisions ennemies avaient plié devant eux; la troisième seule avait résisté. Ce fut alors que Ahmed-Shah, comprenant le danger que courait l’armée musulmane à moitié vaincue, ordonna de ramener les fugitifs au combat à grands coups de sabre. Ceux-ci, forcés de retourner sur le champ de bataille, s’y précipitèrent avec rage, appuyés par les meilleures troupes d’Ahmed-Shah. La division vainement attaquée par Sindyah et Holkar, et qui restait presque intacte, se porta sans hésiter au centre de l’armée mahratte, là où combattaient Seda-Sheo et son neveu Viçwanâth-Rao. Pendant une heure, la mêlée fut horrible; on se battait de part