Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cellente tenue, et je fus frappé du bien-être matériel qu’il procure à ceux qu’il renferme; il serait assurément à désirer que tous les honnêtes ouvriers fussent en tout pays assurés de la même alimentation que les habitans de Pentonville et de toutes les prisons d’Angleterre[1]. Les détenus travaillent dans leurs cellules à divers métiers, et quand ils n’en savent aucun, on leur enseigne celui qu’ils choisissent. Ils font eux-mêmes le drap dont ils sont vêtus et tout ce qui peut se fabriquer en chambre pour le service de la maison. Un bec de gaz leur permet de consacrer leurs soirées à la lecture. Ils reçoivent des leçons d’un instituteur, de fréquentes visites, et notamment celles du gouverneur. Tous les jours ils vont à la chapelle, le visage couvert d’un masque, s’y placent dans des stalles étagées sur des gradins, de manière qu’ils ne puissent se voir, et après l’instruction religieuse ils chantent en chœur avec accompagnement de l’orgue. Comme exercice hygiénique, ils font quatre milles par jour dans un cirque en marchant et en courant. Les indisciplinés eux-mêmes prennent l’air dans des préaux réservés.

Toutefois l’on n’a pas voulu s’en tenir uniquement à l’essai de Pentonville. Dans une autre prison de Londres, à Millbank, treize ou quatorze cents condamnés sont en cellule pendant la nuit, et le jour ils se réunissent dans de vastes ateliers de cordonniers et de tailleurs, où ils travaillent sous, la loi du silence. C’est un système mixte également emprunté aux États-Unis et qui ne paraît pas moins contraire aux instincts de la nature humaine que le régime de la prison de Reading. Les lèvres sont closes, mais les yeux restent ouverts; des signes muets volent à travers les salles, et toutes les punitions sont impuissantes pour empêcher un commerce continuel de mauvaises pensées.

Dans toutes les prisons dites correctionnelles, notamment dans celles de Coldbath-Fields à Londres, le temps des détenus se partage entre la gymnastique et des occupations plus ou moins productives. La gymnastique, absolument nécessaire à des gens renfermés dans des cellules, quand on ne leur procure pas, comme à Pentonville, l’exercice de la promenade, se fait au moyen d’une machine assez curieuse qu’on appelle tread-wheel ou tread-mill (marche-roue ou marche-moulin). C’est un cylindre d’environ dix pieds de diamètre fixé horizontalement et garni de marches ou palettes disposées sur sa surface comme des aubes de moulin. La machine étant immobile, quinze ou vingt hommes sont rangés debout sur une seule marche, les deux mains appuyées à une traverse placée un peu au-dessus de leur tête. Un mouvement de rotation est

  1. Tous les jours quatre onces de viande, vingt onces de pain blanc, une livre de pommes de terre, trois parts d’un pain de chocolat; ordinaire varié dans les mêmes proportions.