Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont en Angleterre l’objet d’une préoccupation constante et de propositions de toute nature. En 1857, sous l’impression de la terreur que des crimes nombreux venaient de répandre dans la capitale, M. Mayhew, l’auteur d’un curieux ouvrage intitulé le Grand Monde de Londres, convoqua à plusieurs meetings successifs les assassins et les voleurs mis en liberté provisoire ou définitive, pour constater leur préférence relativement au séjour de la métropole ou à celui des colonies. Les débats de ces assemblées, présidées par un pair d’Angleterre, lord Carnarvon, furent parfaitement parlementaires, sauf l’interpellation d’un jeune membre qui reprocha à M. Mayhew de n’avoir imaginé ces réunions que pour y trouver la matière d’un chapitre intéressant de l’ouvrage qu’il publie par livraisons. La majorité se prononça pour l’émigration, mais quelques orateurs firent pourtant valoir les avantages du séjour de la mère patrie, et présentèrent le comfort de leur position personnelle comme un exemple du parti qu’on pouvait tirer à Londres d’un ticket of leave.

Si les récidivistes doivent être soumis à des lois exceptionnelles, les coupables qui auront expié leur crime et donné des garanties suffisantes de repentir doivent aussi pouvoir compter sur une protection spéciale, complément nécessaire d’une nouvelle législation et d’un nouveau système pénitentiaire. Cette protection est déjà un bienfait des sociétés de patronage et des asiles réformatoires établis dans toutes les parties de l’Angleterre. Quelques-unes de ces institutions ont même assuré aux malfaiteurs libérés un bien-être dont s’est alarmée la conscience publique. Il y a dans cette voie, comme dans toutes les œuvres de bienfaisance, une certaine limite que le zèle ne doit pas dépasser, et dans laquelle le bon sens et l’expérience ramèneront nécessairement les philanthropes anglais.

J’ai essayé de faire connaître les efforts d’une grande nation pour prévenir par des institutions charitables ou pour combattre par des établissemens pénitentiaires la dépravation de ses membres les plus déshérités. Dans un siècle où il a été donné à l’homme de maîtriser si puissamment les forces brutes de la nature, lui sera-t-il aussi permis de dompter des élémens plus rebelles, les passions des cœurs pervertis? Le temps seul pourra nous l’apprendre; mais de grandes espérances s’attachent aux résultats que j’ai signalés, et, dussent-elles ne pas se réaliser complètement, ceux qui les justifient par une volonté si énergique méritent d’autant mieux de la cause du progrès, qu’ils sont aux prises avec de plus graves difficultés.


L. Davésiès de Pontès.