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cette condition, ils sont tenus de se présenter deux fois par mois à la prison, s’ils sont à Dublin, et à l’inspecteur-général de la police, s’ils travaillent dans un endroit éloigné. En cas de conduite suspecte, de paresse ou d’ivrognerie, le ticket of leave leur est retiré, et, renvoyés dans la prison cellulaire, ils sont obligés de repasser par toutes les épreuves qu’ils ont déjà subies. Si au contraire leur conduite est satisfaisante, au bout de deux ans, ou même plus tôt, ils reçoivent du lord-lieutenant grâce entière, et la plupart s’embarquent pour les colonies avec l’argent qu’ils ont gagné.

Le système que nous venons d’exposer, d’après les renseignemens écrits et les explications verbales de M. Hill et du capitaine Crofton, est aussi appliqué aux femmes en Irlande, avec cette différence qu’elles ne restent que quatre mois en cellule. Elles sont surveillées par des sœurs de la Miséricorde qui se chargent d’elles à l’expiration de leur peine et qui trouvent toujours des places à leur procurer.

Telle est l’importante expérience qui s’accomplit aujourd’hui dans les prisons irlandaises depuis le mois de janvier 1856. Il résulte des rapports de M. Le capitaine Crofton qu’on peut espérer la réformation complète des trois quarts au moins des convicts soumis à ce régime. Si cette estimation reçoit la consécration du temps, ce système expérimenté à Dublin aura inauguré un progrès notable dans la répression pénale; il aura augmenté d’au moins 12 pour 100 le nombre des coupables ramenés dans les voies de l’honnêteté.

Quant aux incorrigibles, c’est-à-dire aux récidivistes, le capitaine Crofton pense avec M. Hill que la loi devrait être modifiée en ce qui les concerne, et qu’il faudrait les retenir, comme les fous dangereux, dans une captivité perpétuelle. Ce serait peut-être là le progrès le plus certain du nouveau système. Quand on y réfléchit, on ne comprend guère pourquoi les garanties du droit commun s’étendraient aux ennemis de la société, pourquoi les hommes qui se placent dans cette catégorie ne seraient point subordonnés à une législation spéciale, à des magistrats spéciaux, et privés d’une liberté incompatible avec la sécurité publique. Laisser aux malfaiteurs d’une certaine classe la possibilité de tomber une fois seulement en récidive, ne serait-ce pas faire une concession suffisante à la liberté individuelle? Le surcroît de dépenses qu’exigerait l’entretien d’un grand nombre de condamnés peut d’abord paraître un obstacle à la perpétuité de leur détention; mais les économistes anglais estiment qu’un voleur coûte beaucoup plus cher en liberté qu’en prison, et qu’il y a toujours moyen de récupérer sur le produit de son travail à peu près le montant des frais de sa captivité.

Du reste, les mesures qui concernent la population criminelle