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escortée de tous les paysans des environs, employés comme traqueurs, s’attarda en descendant les collines, et dut s’arrêter au pied du högar, où Larrson émit le conseil d’attendre que la lune se montrât ou que les vapeurs du lac fussent enlevées par le coup de vent qui précède souvent son apparition. Quelques personnes firent allumer le fanal de leurs traîneaux et préférèrent rentrer tout de suite ; une douzaine seulement demeura. Les paysans reçurent une abondante distribution d’eau-de-vie, et se dispersèrent dans la campagne. Les valets et piqueurs sonnèrent de la trompe et allumèrent un grand feu sur le tumulus, à côté des débris informes de la statue de neige, et la brillante jeunesse rassemblée dans la grotte, devant laquelle s’élevait une pyramide de gibier, se livra à des conversations animées, entremêlées de récits et de discussions sur les divers épisodes de la chasse.

Mais les narrations du major l’emportaient si bien sur toutes les autres en ce jour, que bientôt tout le monde fit silence pour l’écouter. Au nombre des auditeurs des deux sexes se trouvaient Olga, Martina et Marguerite, à qui sa tante avait permis de rester sur le högar en compagnie de Mlle  Potin et de la fille du ministre.

— Ainsi, messieurs, disait Olga au major et au lieutenant, vous avez été en sournois faire des exploits périlleux dont vous promettez de nous montrer la preuve demain, si nous acceptons une promenade à votre demeure ?

— Dites les preuves ! répondit le major : une pièce énorme, une ourse blanchâtre aux yeux bleus, un assez grand ours noir et deux oursons, que nous avons l’intention de faire élever pour avoir le plaisir de les lâcher et de les chasser quand ils seront grands.

— Mais qui a tué ou pris tout cela ? demanda Martina Akerström la blonde fiancée du lieutenant.

— Le lieutenant a pris un ourson, répondit le major avec un sourire expressif adressé à son ami. Le caporal Duff et moi avons pris l’autre, le paysan qui nous conduisait a blessé la grosse ourse et attaqué l’ours noir ; mais ces deux bêtes furieuses l’auraient infailliblement mis en pièces, si un autre de nos amis, arrivant là tout seul, n’eût éventré la première et cassé d’une balle la tête de l’autre à un demi-pouce de la tête du pauvre diable.

On voit que, si le coup de fusil de Christian eût été raconté une troisième fois, la distance entre sa balle et la tête du danneman eût été inappréciable. Certes le major ne croyait pas mentir ; cependant les auditeurs se récrièrent, mais le lieutenant frappa du poing sur la table en faisant serment que, si le major exagérait la distance, c’était en plus, et non en moins. Le lieutenant ne croyait certainement pas mentir non plus : son cher Osmund pouvait-il se tromper ?