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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/243

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qu’on ne sait pas même comment cette malheureuse république peut sortir de la crise où elle est plongée.

Heureusement le Mexique est à la portée des Anglo-Saxons et des républicains de l’Union américaine, et si un peuple chrétien se laisse déchoir à la barbarie, cette honteuse décomposition ne court point le risque de devenir séculaire dans le voisinage du colosse "yankee". Mais revenons en Europe, et saluons cette apparition saisissante de M. de Maistre au cœur de la question la plus difficile et la plus brûlante de l’Europe contemporaine, la question de l’indépendance italienne.

L’illustre ministre du Piémont, M. de Cavour, vient de faire une réponse merveilleusement spirituelle aux haineuses et sottes attaques dont le poursuit le parti clérical, en ouvrant les archives du royaume à un jeune et habile écrivain, M. Albert Blanc, qui a su en extraire et recomposer avec les fragmens mêmes des propres correspondances de M. de Maistre une physionomie politique pleine de vie et d’autorité. Ce Joseph de Maistre est le vrai de Maistre; ce n’est plus l’auteur se garrotant lui-même devant le public avec les chaînes d’une thèse paradoxale, et qui essaie de reconstituer avec les formes du passé une impossible utopie. C’est le Joseph de Maistre de la vie réelle, le ministre plénipotentiaire de la maison de Savoie à Saint-Pétersbourg, appliquant la vivacité de son esprit, la variété et la profondeur de ses vues, au succès des intérêts permanens de son pays, à travers les incidens de la politique courante. C’est le bon sens sans préjugés, la bonne humeur sans entraves, le franc-parler d’un tempérament robuste, une sorte de Mirabeau honnête homme qui parle à un roi bigot avec la même liberté qu’il prendrait, c’est son mot, dans un café de Londres. C’est ce mule esprit et cette merveilleuse éloquence qui assène sans façon sur les ennemis de l’indépendance italienne, sur un pape bonhomme, et qui n’est que bonhomme lorsqu’il faudrait être un grand homme, et sur les bipèdes mitrés ces coups de massue qui aplatissent encore la platitude. On avait pu deviner, à travers la correspondance de M. de Maistre, publiée il y a quelques années, le tempérament d’un libéral. Nous ne savons si l’école théocratique revendiquera encore pour elle ce juge loyal des fautes cléricales et ce patriote ennemi de l’Autriche ; nous lui souhaiterions, pour notre part, des défenseurs de cette force et de cette liberté d’esprit : voilà du moins les adversaires qu’on aimerait à trouver devant soi, des adversaires que l’on estime et que l’on admire en les combattant.


E. FORCADE.


L’Institut vient de tenir ses séances annuelles, et cette année comme les années précédentes, un public nombreux et choisi n’a pas fait défaut à ces solennités, où, il faut bien le dire, la curiosité mondaine l’attire plus qu’une sérieuse intelligence de ce qui se passe sous ses yeux. C’est un spectacle comme un autre, où il est de bon ton de prendre un certain air de gravité, ce qui n’empêche en aucune façon de murmurer tout bas quelques antiques et solennelles épigrammes. Entre la féerie nouvelle et le drame à la mode, il