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de Stenson avec lui et M. Goefle. Le soir, ils furent tous invités à souper chez le ministre. Marguerite ne devait partir que le lendemain. Le lendemain, Christian partit de son côté avec M. Goefle, s’amusant à conduire Loki, ce qui permit à M. Nils de dormir et de ne s’éveiller que pour manger tout le long du voyage.

Après deux semaines passées à Stockholm, où Christian ne se montra qu’avec beaucoup de prudence, de réserve et de dignité, M. Goefle, qui était fort impatient de retourner à Gevala, l’invita à le suivre, en attendant la décision du tribunal suprême, qui pouvait bien se faire attendre, la mort du roi et l’avènement du prince Henri (devenu Gustave III) ayant apporté de graves préoccupations dans les hautes régions de l’état ; mais Christian, voyant s’ouvrir devant lui une phase d’incertitude illimitée, ne voulut pas rester tout ce temps à la charge de M. Goefle, et résolut de suivre son projet de rude voyage avec le danneman Bœtsoï dans les régions glacées de la Norvége. Pour n’être pas non plus à la charge de ce brave paysan, il accepta de M. Goefle une très modeste avance sur son héritage ou sur son travail à venir, et alla embrasser ses amis de Waldemora et du Stollborg, après quoi il partit avec Bœtsoï, laissant de nouveau son cher Jean à la garde de Stenson.

CONCLUSION.

Christian eut tout le loisir de voyager. La, reconnaissance de ses droits, malgré toutes les précautions prises par ses amis et les incessantes démarches de M. Goefle, fut tellement travaillée en sens contraire par le parti des bonnets, auquel appartenait le baron de Lindenwald, qu’un moment vint où l’actif et courageux avocat regarda comme perdue la cause de son client. L’ambassadeur de Russie, qui s’était montré favorable, vira de bord, on ne sait pour quel motif, et la comtesse Elfride fit pour sa nièce d’autres projets de mariage. M. Goefle porta la cause jusque dans les conseils secrets du jeune roi ; mais Gustave III, qui préméditait avec une incroyable prudence la grande révolution d’août 1772, fit conseiller la patience, sans s’expliquer sur les espérances qu’il était permis de concevoir. De fait, le roi ne pouvait rien encore.

Après avoir voyagé avec le danneman jusqu’à la fin de février, Christian reçut de M. Goefle des nouvelles qui le décidèrent à poursuivre seul son exploration dans les régions du Nord. M. Goefle, voyant les ennemis de Christian très appuyés, craignait avec raison que, s’il se montrait à Stockholm, on ne lui cherchât querelle. Il savait Christian facile à exciter, et se disait que, s’il tuait un ou