dans les mines, et, comme à ce héros d’une épopée romanesque, il lui arriva d’être reconnu pour un ouvrier extraordinaire moins au collet brodé de sa chemise qu’à l’autorité de sa parole et au feu de ses regards.
Christian était alors dans les mines de Röraas, dans les plus hautes montagnes de la Norvège, à dix lieues de la frontière suédoise. Il travaillait de ses mains, depuis huit jours, avec une adresse et une vigueur qui lui avaient mérité l’estime de ses compagnons, lorsqu’il reçut de M. Goefle une lettre qui lui disait :
« Tout est perdu. J’ai vu le roi, c’est un homme charmant, mais hélas ! je lui ai fait savoir qui vous êtes : j’ai mis toutes nos preuves sous ses yeux ; je lui ai dit comment vous pensiez sur l’abus des priviléges nobiliaires, et combien vous pourriez être utile aux desseins d’un prince philosophe et courageux qui voudrait rétablir l’équilibre dans les droits de la nation. Après m’avoir écouté avec une attention et compris avec une lucidité que je n’ai jamais rencontrées chez aucun juge, il m’a répondu : « Hélas ! monsieur l’avocat, rendre justice aux opprimés est une grande tâche ; elle est au-dessus de mes forces. J’y serais brisé, comme mon pauvre père, qu’ils ont fait mourir de lassitude et de chagrin ! »
« Gustave est faible et bon ; il ne veut pas mourir ! Nous nous flattions en vain qu’il porterait de grands coups au sénat. La Suède est perdue, et notre procès aussi !
« Revenez près de moi, Christian. Je vous aime et vous estime ; J’ai un peu de fortune et point du tout d’enfans. Dites un mot, et je partage avec vous ma clientèle. Vous parlez le suédois à ravir, vous avez de l’éloquence. Vous apprendrez notre code, et vous me succéderez. Je vous attends. »
— Non ! s’écria Christian en portant à ses lèvres l’écriture de son généreux ami : je connais mieux qu’il ne pense le peu de ressources de ce pays et les sacrifices auxquels une pareille association condamnerait ce digne homme ! Et puis il faut des années pour apprendre un code, et pendant des années il me faudrait vivre, moi jeune et fort, des bienfaits de celui qui, après tant de luttes et de fatigues, a désormais besoin de bien-être et de repos. Non, non ! j’ai des bras, et je saurai m’en servir, en attendant que la destinée me fasse rencontrer l’emploi de mon intelligence.
Et il rentra dans la galerie où il devait, de l’aube à la nuit, creuser, à la lueur d’une petite lampe, et à travers les émanations sulfureuses de l’abîme, le filon de cuivre ramifié dans les entrailles de la terre.
Mais au bout de quelques jours le sort de Christian était amélioré. Les chefs l’avaient remarqué et lui confiaient la direction de