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gieuse éclate ; c’est en France qu’elle trouve son expression la plus pure. Une église se distingue entre toutes les églises catholiques par ses vertus et ses lumières, c’est l’église de France. Un siècle alors se montre où toutes les gloires semblent se donner la main ; un roi ambitieux abuse de cette grandeur, et cependant des revers inouïs laissent encore la France augmentée de deux provinces. Quand un règne sans gloire laisse pâlir la fortune de la France, elle domine par les lettres et par l’éclat de l’esprit. La révolution déborde sur l’Europe : elle porte ses armes jusqu’au Nil et refait un instant l’empire de Charlemagne ; mais elle fait mieux que de conquérir l’Europe par la guerre, elle la conquiert à ses idées. Une foule d’états s’éveillent à la liberté sous son souffle puissant. Elle tombe chez elle, et ses idées grandissent ailleurs, comme la semence d’un arbre immense dispersée par le vent aux quatre coins du monde. Voilà certes de la grandeur ; voilà deux Frances et deux histoires : laquelle est la vraie ?

Toutes les deux, je pense ; car s’il est vrai que la France a beaucoup travaillé pour sa gloire, il est aussi vrai qu’elle a peu travaillé pour son bonheur. Serait-il juste de dire que le vrai et le bon sont absens de son œuvre, elle qui semble s’être mise sur le grand chemin des idées pour respirer à pleine poitrine tout ce qui souffle de généreux à travers le monde ? On peut le dire, Jacques Bonhomme n’est pas heureux. Toute son histoire est comme une course haletante après un idéal sans cesse entrevu et jamais saisi. Pourquoi faut-il qu’après le chaos des invasions le seul souvenir vivant d’ordre et de civilisation ait été celui du despotisme romain, et pourquoi faut-il que ce despotisme romain ait été celui de la décadence et de la corruption ? Pourquoi faut-il qu’il ait soufflé sa caducité dans les veines de la jeune France, tandis que des peuples nouveaux s’élevaient autour d’elle ? Elle s’agite en secousses énergiques pour dépouiller ce vieux suaire, et toujours des circonstances fatales retombent sur elle comme le rocher de Sisyphe. Elle est vieille, et elle est jeune ; elle est naïve et corrompue, mais elle est toujours grande. Laissons de côté ces mots vagues d’histoire providentielle et de phare de l’humanité qui nous consolent dans nos défaites ; ce que nous pouvons dire avec orgueil, c’est que la France n’est pas tout entière dans ses actes, c’est qu’à côté de son histoire positive il y a une histoire idéale, et qu’elle a toujours suivi et aimé quelque chose de meilleur que sa destinée. Ce quelque chose était peut-être une chimère ; mais au point de vue du bonheur tout ce qu’il y a de grand et de noble n’est-il pas une chimère ? L’homme se trompe et reprend sa course ; c’est l’instinct de la brute qui ne se trompe jamais. Jamais ne s’est brisé dans notre pays le lien de cette histoire idéale qui traverse les siècles ; jamais on