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quable sur le dénombrement de la population russe, publié à la suite de la neuvième révision[1]. En 1834, époque à laquelle se reporte le huitième recensement, le nombre des serfs qui formaient la propriété personnelle du seigneur, sans que celui-ci possédât aucune terre, s’élevait, d’après M. Kœppen, à 62,183, et le nombre de leurs propriétaires était de 17,763, Chacun de ceux-ci disposait en moyenne de 3,50 d’hommes sans terre (lioudi bezzemelny). Quant aux propriétaires fonciers (pomiestchiks), leur nombre s’élevait à 109, 340, et celui de leurs serfs à 10,704,378[2]. En y comprenant la catégorie des hommes sans terre, il y avait en tout 127,103 maîtres, et 10,766,561 serfs, sans parler de 103,560 serfs chez les Cosaques du Don. Sur 100 propriétaires, on en trouvait 14 ayant des hommes sans terre; 46 possédaient moins de 21 serfs, 24 en comptaient de 21 à 100, 13 en avaient de 101 à 500, 2 de 501 à 1,000, et 1 au-delà de 1,000. Ces chiffres sont ceux des âmes, c’est-à-dire des serfs du sexe masculin, qui se trouvent constamment inférieurs en nombre au sexe féminin; il en résulte que le total de la population asservie l’emporte régulièrement sur le double du nombre officiel des âmes. Ainsi en 1834, sur 22 millions de paysans seigneuriaux, près de 11,300,000 étaient du sexe féminin.

Après la neuvième révision (en 1851), on crut reconnaître une légère réduction dans le nombre des serfs, qui fut évalué à 10,708,900. La catégorie des dvorovyé (serfs personnels) avait diminué, bien qu’elle s’élevât encore à 519,461 âmes. Elle comprend, outre les hommes sans terre, ceux qui, au nombre de 500,885, avaient été inscrits dans les villages, c’est-à-dire dont la redevance fiscale avait été ainsi assurée par la responsabilité du seigneur. D’autres, au nombre de 16,120, avaient été inscrits comme attachés à des maisons. Il en restait 1,851 dont les propriétaires avaient versé au trésor la somme nécessaire pour garantir le paiement de l’impôt, et 605 seulement à l’égard desquels cette obligation n’avait pas été remplie. Les dvorovyé comprennent tous les chrétiens[3] qui n’appartiennent pas

  1. Deviataïa Revizia, Saint-Pétersbourg 1857.
  2. Voici quel était le rapport des propriétaires fonciers aux serfs attachés à leurs domaines : 58,457 pomiestchiks possédaient de 1 à 21 âmes (en moyenne 7,90), et au total 450,037 âmes; 30,417 pomiestchiks avaient de 21 à 100 âmes (49,33 en moyenne), au total 1,500,357 âmes; 16,740 pomiestchiks avaient de 101 à 500 âmes (217,10 en moyenne), au total 3,634,194 âmes; 2,273 pomiestchiks possédaient de 501 à 1,000 âmes (687,86 en moyenne), au total 1,564,831 âmes; enfin 1,453 pomiestchiks possédaient au-delà de 1,000 âmes (2461,09 en moyenne), et au total 3,556,959 âmes.
  3. Krestianiè. Ce terme, employé par les Tartares pour désigner tous les Russes, indistinctement esclaves à leurs yeux, est resté la dénomination commune des paysans. C’est aussi à la domination tartare que remonte une autre dénomination non moins expressive, celle de tcherne lioudi (hommes noirs), qui assimile les serfs aux nègres, en créant pour eux un régime analogue à celui des esclaves noirs. Le mot tchern s’est conservé dans la langue pour indiquer le bas peuple.