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fraction du pays de Fouta, vers la fin du siècle dernier. C’est un toucouleur, ou mulâtre issu de l’alliance des Peuls conquérans avec les Ouolofs conquis : en lui néanmoins prédomine le type ouolof, comme dans toute la branche sélobé, à laquelle il appartient. Sa famille exerçait l’autorité dans le village d’Alouar, près de Podor, et l’y conserve encore. Sur la figure d’Omar, empreinte des caractères de l’intelligence, de la méditation et du calcul, se reflète une haute et religieuse ambition. Signalé de bonne heure à la vénération et à la crédulité publique par l’exaltation de sa conduite, il ouvrit dans son pays une école de piété et de science, forma des marabouts dont quelques-uns, aujourd’hui résidant à Saint-Louis, se glorifient d’avoir été ses disciples, et, comme tous les saints de l’islamisme, il acquit rapidement la renommée d’un faiseur de miracles.

Le pèlerinage à La Mecque, ce devoir sacré de tout bon musulman, était le vœu ardent de sa dévotion. Avec le secours de ses coreligionnaires, il l’accomplit en 1826, ce qui lui valut le titre vénéré d’Al-hadjy devenu dans le dialecte du Sénégal le surnom d’Al-Agui, sous lequel Omar est généralement connu. Après avoir fait, aux lieux saints de l’islamisme et en Orient, un long séjour dont les incidens ne sont pas connus, il retourna dans l’Afrique occidentale en 1841, méditant d’y renouveler, pour la conversion des infidèles et la réforme des musulmans, la mission pacifique et guerrière qui avait fait au XVIIIe siècle la gloire d’Abd-oul-Kader, l’apôtre du Fouta. Il s’arrêta dans le pays de Ségou, sur le Haut-Niger, déjà ébranlé en 1830 par les publications du cheikh Amadou, du Masina. Partout sur sa route il enseigna l’islam, multiplia les miracles, vendit des livres et des amulettes, et acquit bientôt le prestige qui s’attache en ces pays aux envoyés de Dieu, avec les accessoires utiles qui en découlent, la richesse et l’autorité. Avançant vers l’occident, il se choisit un asile dans le Fouta-Dialon, au cœur des plateaux montueux qui séparent les sources du Niger, du Sénégal et de la Gambie. Ses nombreux disciples lui bâtirent un village où il se fortifia et mit en sûreté les dons de leur crédulité. Désormais assuré d’une retraite et d’une base d’opérations, il se lança, avec un redoublement de ferveur, dans la carrière des prédications ouverte par ses prédécesseurs, les saints prophètes de l’islam. Aux yeux des peuplades tombées dans les superstitions du fétichisme, il fit briller le Dieu unique ; à celles déjà converties qui oubliaient leur foi dans l’usage impie de l’eau-de-vie et du vin, il prêcha l’abstinence de toute liqueur fermentée. La clarté des croyances simples, l’austérité des mœurs ascétiques exercent, on le sait, sur le peuple une bien puissante attraction. Les multitudes accoururent et se firent circoncire. Sans autre arme d’abord que sa parole convaincue et enthousiaste, Al-