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trois compartimens de l’autre à moitié pleins, un voyageur n’a pas le droit d’exiger qu’il lui soit ouvert un des compartimens vides et de se refuser à entrer dans l’un des compartimens incomplètement remplis. Il est bien entendu que, d’autre part, c’est aux compagnies de veiller avec soin à ce que cette mesure strictement équitable soit prise de manière à ne pas froisser le public, et je n’hésite point à dire que, si un voyageur monté dans une voiture vide était sommé de l’abandonner, il aurait le droit de refuser, et que, si, comme le cas s’est présenté, on se permettait de le faire descendre de force, il pourrait faire condamner la compagnie à une réparation pécuniaire. — Dans une des espèces soumises à l’appréciation de la justice, un voyageur, accompagné de sa femme et de ses deux filles, voulait qu’il lui fût donné quatre places dans un seul compartiment. La répartition des voyageurs installés ne le permettait pas, et les tentatives du chef de station pour déterminer quelques-uns d’entre eux à faire par complaisance le vide nécessaire n’ayant point abouti, le voyageur réclama l’addition d’une voiture au train. Ne pouvant l’obtenir, il se refusa à partir et assigna la compagnie devant le juge de paix en remboursement, non-seulement du prix de ses billets, que la compagnie, dans un louable esprit de conciliation, voulait bien lui restituer, mais encore du prix de ses bulletins de correspondance. La gracieuseté de la compagnie ne pouvait aller jusque-là sans porter atteinte aux principes que je viens de poser, et elle laissa la contestation suivre son cours devant le tribunal de paix, qui lui donna gain de cause. Bien que le public veuille rarement en convenir, les compagnies n’ont donc pas toujours tort. Je suis même disposé à croire qu’au fond elles connaissent parfaitement l’étendue des droits du public, mais qu’elles ont constamment peur d’être débordées, et qu’elles préfèrent se tenir systématiquement sur la défensive.

Il est encore, dans le règlement de 1846, une disposition, reproduite du reste dans tous les cahiers des charges des concessions de chemins de fer, qui intéresse particulièrement le public et les compagnies ; c’est l’obligation pour celles-ci, — à moins d’une autorisation administrative dont le bénéfice est de droit acquis aux trains rapides, qui ne peuvent atteindre leur mesure de vitesse qu’en restant dans des limites de poids assez restreintes, — d’offrir aux voyageurs un nombre suffisant de places de chacune des trois classes. On conçoit la prudence du législateur, qui a voulu, avant tout, prémunir les voyageurs contre le surcroît de dépenses auquel ils pourraient être exposés par l’absence des places de la classe qu’ils veulent choisir et la nécessité où ils se trouveraient de prendre des billets de la classe supérieure. Les compagnies admettent ce point, mais elles ne