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circonstance qu’user d’un droit légitime, auquel ne manque même plus la consécration judiciaire. Ce voyageur dormait ; désagréablement réveillé à une station intermédiaire par un employé qui le prie de montrer son billet de place, il refuse de le faire. Traduit pour ce fait en police correctionnelle, il a essayé, par l’organe de son avocat, de contester la légitimité de la poursuite, objectant qu’il avait pris son billet avant de monter en voiture, et que, comme il s’agissait d’un train express (uniquement composé, on le sait, de voitures de première classe), il ne pouvait être dans une voiture déclasse supérieure à celle de son billet. Il a même demandé, ce qui était plus spirituel que juste, pourquoi les voyageurs seraient moins bien traités que les colis, qui ne sont en contact avec les agens du chemin de fer qu’au départ et à l’arrivée. Ce système n’a point été admis, comme on doit le pressentir d’après ce que je viens de dire, et l’accès de mauvaise humeur a été taxé à 25 francs d’amende et aux dépens. Il est donc permis, pour me résumer en donnant à dessein au principe une forme un peu exagérée, aux employés d’une compagnie de venir, même la nuit, réclamer l’exhibition du billet autant de fois qu’ils le jugent nécessaire. C’est assez dire qu’à côté de leur droit strict, conféré par le législateur pour empêcher une fraude dont elles sont, malgré tout, je le répète, assez souvent victimes, les compagnies ont un devoir sérieux à remplir, celui de donner à leurs agens des instructions telles que le contrôle de route soit maintenu dans de justes limites, et ne devienne pas un prétexte pour molester abusivement le public. On doit reconnaître que ce devoir est généralement rempli.

Il est également un point sur lequel je demande la permission d’insister dans le même sens, parce qu’il est un des grands sujets de contestation entre le public et les agens des stations ou des trains : je veux parler de la convenance des places. La question est maintenant résolue d’une manière unanime par l’autorité judiciaire ; elle a décidé que les voyageurs n’ont absolument le droit de réclamer qu’un nombre de places égal au nombre des billets délivrés dans les voitures de la classe à laquelle ces billets correspondent. Il y a d’ailleurs, à côté de la considération de droit, des considérations de convenance que les compagnies ne peuvent raisonnablement songer à enfreindre, et il faut leur rendre cette justice, qu’on trouve généralement chez leurs agens la complaisance la plus entière à ce point de vue. On sait, par exemple, qu’aucune compagnie de chemins de fer ne refuse un compartiment spécial aux dames voyageant seules ; mais je me propose ici de faire connaître les droits et les devoirs de chacun, et c’est sur ce terrain solide que je veux rester. Je dirai donc que, si de deux voitures de première classe entrant dans la composition d’un train, l’une est complètement vide et les