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sur ce bulletin « qu’en cas de perte des bagages enregistrés, elles ne donnent pour ceux-ci qu’une somme déterminée, et que, pour pouvoir prétendre à la valeur intégrale des effets perdus, les voyageurs sont tenus de faire, au moment de la remise de ces effets, la déclaration de cette valeur. » La vérité est qu’elles ne peuvent en rien se prévaloir d’une semblable annotation, et que leur responsabilité s’étend, conformément aux dispositions très précises du code de commerce et du code Napoléon, à la valeur dûment justifiée des objets à elles confiés et par elles perdus, sans qu’elles puissent la réduire sous quelque prétexte que ce soit. « Les compagnies de chemins de fer, dit à ce sujet l’auteur d’un ouvrage sur l’exploitation des chemins de fer, feraient donc tout à la fois preuve de bon goût et de respect de la loi en supprimant, sur les bulletins qu’elles délivrent, cette mention désormais complètement inutile et même ridicule. » J’irai plus loin ; je dirai qu’il y a dans ce fait une sorte d’attentat à la probité publique, et qu’il est fort inconvenant que certaines compagnies continuent à imprimer une clause semblable qu’elles savent ne lier en rien les tiers, alors qu’ils sont obligés de subir leurs exigences, et se trouvent conséquemment dans l’impossibilité absolue de donner cette adhésion motivée qui pourrait seule transformer la clause en un contrat légal.

Dans l’annotation que je critique en me fondant sur une jurisprudence consacrée, les compagnies écrivent encore qu’elles ne sont en aucun cas responsables des bagages non enregistrés. Les tribunaux me sembleraient aller trop loin, s’ils méconnaissaient la légitimité de cet avertissement. Du reste, dans deux cas où elles ont paru adopter ce système, les contestations toutes particulières qui avaient déterminé leurs décisions ne sont pas de nature à infirmer cette opinion. Il s’agissait en effet de voyageurs qui avaient, en attendant le départ d’un train, remis à la gare leurs bagages à des agens en uniforme qui leur proposaient de les garder en dépôt, et se les étaient laissé voler. La question d’enregistrement n’était, à proprement parler, point en cause, et la responsabilité de la compagnie résultait de la remise des bagages à des agens authentiquement désignés comme siens au public, et de la négligence desquels elle devait naturellement subir les conséquences. Il convient d’ajouter que les compagnies ont, pour les cas analogues, un lieu spécial où, pour une très modique rétribution, les voyageurs peuvent déposer régulièrement et en toute sécurité leurs bagages, en attendant que le bureau de distribution des billets soit ouvert.

S’il était utile d’établir une distinction entre les bagages enregistrés et les bagages non enregistrés, pour ne pas imposer injustement aux compagnies une responsabilité dont aucune circonstance ne leur ferait connaître l’étendue ; s’il était impossible d’obliger les