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surface, et que Christian attaquait avec fureur, s’en allait de plus en plus en ruines, couvrant de poussière l’intrépide démolisseur, qui semblait protégé par miracle au milieu d’une pluie de pierres et de ciment. Personne n’osait plus lui parler ; personne ne respirait, croyant à chaque instant le voir enseveli sous les débris, — ou frappé mortellement par la chute de quelque brique. Un nuage l’enveloppait lorsqu’il s’écria : J’y suis ! voilà la continuation de l’escalier. De la lumière, M. Goefle ! … Et sans l’attendre, il s’élança dans les ténèbres. Mais le peu de temps qu’il lui fallut pour chercher des mains une porte qui se trouva entr’ouverte devant lui avait suffi au major pour le rejoindre.

— Christian, lui dit-il en le retenant, si vous avez quelque amitié pour moi et quelque déférence pour mon grade, vous me laisserez passer le premier. M. Goefle suppose qu’il y a ici des preuves décisives de vos droits, et vous ne pouvez témoigner dans votre propre cause. D’ailleurs prenez-y garde ! ces preuves sont peut-être de nature à vous faire reculer d’horreur !

— J’en supporterai la vue, répondit Christian, exaspéré par cette pensée qui était déjà la sienne. Je veux savoir la vérité, dût-elle me foudroyer ! Passez le premier, Osmund, c’est votre droit ; mais je vous suis, c’est mon devoir.

— Eh bien ! non ! s’écria M. Goefle, qui avec le danneman et le lieutenant, venait de monter rapidement l’escalier derrière le major, et qui se jeta résolument devant la porte. Vous ne passerez pas, Christian ; vous n’entrerez pas sans ma permission ! Vous êtes violent, mais je suis obstiné. Porterez-vous la main sur moi ?

Christian recula vaincu. Le major entra avec M. Goefle ; le lieutenant et le danneman restèrent sur le seuil entre eux et Christian.

Le major fit quelques pas dans la chambre mystérieuse, que n’éclairait guère la lueur de la bougie apportée par M. Goefle. C’était une grande pièce boisée, comme celle de l’ourse, mais entièrement vide, délabrée, et cent fois plus lugubre. Tout à coup le major recula, et baissant la voix pour n’être pas entendu de Christian, qui était si près de l’entrée : — Voyez ! dit-il à M. Goefle, voyez, là ! par terre !

— C’était donc vrai ! répondit M. Goefle du même ton : voilà qui est horrible ! Allons, major, courage ! il faut tout savoir.

Ils s’approchèrent alors d’une forme humaine qui gisait au fond de l’appartement, le corps plié et comme agenouillé par terre, la tête appuyée contre la boiserie, du moins autant qu’on en pouvait juger sous les voiles noirs et poudreux dont cette forme ténue était enveloppée.

— C’est elle, c’est le fantôme que j’ai vu, dit M. Goefle en recon-