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sentiment que nous donnerons au lecteur, non comme une opinion, mais comme une pure et simple impression. La question du célibat ecclésiastique et du mariage des prêtres a été agitée bien souvent depuis trois siècles, sans que les partisans du célibat ou du mariage aient pu parvenir à convaincre les personnes impartiales et réellement éclairées. À notre avis, les partisans de l’une ou l’autre opinion ont également d’excellentes raisons à leur service. Quel homme de bon sens pourrait trouver quelque chose à reprendre au mariage des prêtres ? Mais d’un autre côté quelle imagination élevée et quelle âme délicate oserait prendre parti contre le célibat ecclésiastique ? Le mariage des prêtres n’a rien qui répugne au bon sens et à la raison, car le mariage est fondé sur la nature, il est favorable aux bonnes mœurs, il est compatible avec les devoirs de toutes les professions. En revanche, le célibat répond à toutes les idées que nous nous formons du caractère sacerdotal ; il répond à un idéal de vie sainte, alimentée par l’unique pensée de Dieu, tirant son unique bonheur de Dieu et non de la créature. N’y aurait-il pas moyen cependant d’expliquer cette contradiction ? Le célibat, qui plaît beaucoup à l’imagination, est combattu par le bon sens, car le célibat ecclésiastique requiert également de tous les hommes qui l’embrasseront les vertus les plus idéales et les plus ascétiques, tandis que le mariage n’exige que les vertus ordinaires de l’honnête homme. Il est assez difficile d’admettre que tous les hommes qui feront vœu de célibat seront tous également saints. C’est trop exiger que d’exiger d’un ministre de village les vertus d’un ascète ; il n’a que faire de ces vertus pour remplir ses humbles devoirs. Le mariage lui sera très salutaire, car il le rapprochera de ses paroissiens, lui fera mieux comprendre les difficultés de leur existence, lui donnera plus d’autorité pour les conseiller et les exhorter. Le mariage des simples prêtres n’a donc rien que le bon sens ne puisse approuver ; mais la question change beaucoup lorsque, des rangs obscurs du clergé populaire, on s’élève vers les plus hauts échelons de la hiérarchie. L’imagination se prête malaisément à admettre le mariage des princes de l’église. Il est choquant de penser que les successeurs des apôtres unissent la direction des âmes au gouvernement d’un ménage. Les devoirs d’un évêque sont de l’ordre le plus élevé, et cette fois les vertus d’un ascète y semblent à peine suffisantes. C’est en vain que le bon sens essaierait de protester, et de dire qu’après tout un évêque n’est qu’un homme comme un simple ministre ; l’imagination, plus sensée cette fois que le bon sens, répond que les fonctions épiscopales ne peuvent s’accorder qu’avec une vie de sainteté, ou tout au moins qu’avec une vie dégagée des préoccupations mondaines et des détails mesquins que le mariage entraîne nécessairement avec lui. Un simple ministre, marié ou non