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arrangemens particuliers concernant de petits princes alliés. L’Angleterre, toujours fort animée contre la France, insérait cette clause secondaire, qu’aucun établissement européen ne serait toléré sur le territoire mahratte, excepté ceux des Portugais. De leur côté, les chefs ligués contre Ragounâth obtenaient l’expulsion de cet usurpateur, qui devait se retirer là où bon lui semblerait, avec une pension de vingt-cinq mille roupies par mois. Madha-Dji-Sindyah avait pris part à ce traité comme plénipotentiaire du peshwa et agissant au nom de tous les confédérés. Le gouvernement anglais le reconnaissait comme un prince indépendant; il gouvernait de fait tout l’Hindostan, de la Sutledje à Agra; il commandait une armée forte de seize bataillons d’infanterie régulière, de cent mille chevaux et de cinq cents pièces d’artillerie. Maître du pays et des places fortes conquises sur les princes radjepoutes, possesseur des deux tiers du Malwa et des plus belles provinces du Dekkan, il affectait toujours de regarder le peshwa comme son suzerain. Cette apparente soumission n’empêcha pas Madha-Dji-Sindyah de nourrir plus tard contre Nana-Farnéwiz des sentimens d’envie et de rivalité. Le traité de Salbye, alors favorable aux intérêts des Mahrattes, qu’il importait aux Anglais de ménager pour se tourner plus librement contre le Mysore, laissait à Sindyah plus d’indépendance et d’autorité qu’il ne convenait au régent de lui en voir concéder. Nana-Farnéwiz, représentant du pouvoir central, ne pouvait voir sans inquiétude et sans chagrin cet état de choses, qui équivalait à un démembrement de l’empire mahratte. Tous les deux jaloux du pouvoir, ils prétendaient dominer, celui-ci avec le sceau de premier ministre, celui-là par l’autorité de sa puissance militaire.

Cependant les deux rivaux surent renfermer en eux-mêmes leurs sentimens secrets. Depuis plusieurs années, Madha-Dji-Sindyah avait conçu le projet de chasser les Anglais du Bengale, Il s’inquiétait de l’énergie persévérante de ces Européens, qui fournissaient des troupes auxiliaires au nabab d’Oude dans leurs guerres contre les Mahrattes, et semblaient très empressés de délivrer le Grand-Mogol du joug qui pesait sur lui. Si les Mahrattes étaient partout dans l’Inde à cette époque, partout aussi, dans le Concan, dans le Carnatic, dans le Bengale et dans l’Hindostan, ils rencontraient les armes de l’Angleterre ou au moins sa politique active. Pour tenter sa grande entreprise, Madha-Dji-Sindyah demandait au peshwa de lui renvoyer Touka-Dji-Holkar, alors retenu aux environs de Pounah avec ses troupes. Hyder-Ali, roi de Mysore, encourageait Sindyah dans ses projets; il signait avec les Mahrattes un nouveau traité auquel les Français se ralliaient aussi. La mort de Hyder-Ali vint arrêter cette ligue menaçante, qui se fût sans doute rompue d’elle-même. Les