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satisfait des résultats de cette campagne, le gouverneur général du Bengale blâma le système suivi par ses agens, qui s’étaient bornés à une guerre défensive. Il fut résolu en conseil que l’on irait attaquer Madha-Dji-Sindyah au cœur même de ses états. Un corps de troupes anglaises s’y trouvait déjà rendu, celui-là même qui avait enlevé les deux citadelles de Lahar et de Gwalior. Sindyah, qui se retirait du Gouzerate, rencontra un autre corps anglais dans le Malwa. Malgré sa prudence et la rapidité proverbiale de ses mouvemens, le Mahratte se laissa surprendre. Le général Camac dirigea une attaque nocturne contre le camp de Sindyah, qui perdit en un instant treize canons, trois éléphans, son grand étendard et plus de vingt chameaux.

Cette victoire, remportée la nuit et par surprise, affligea beaucoup Sindyah, mais elle ne profita guère aux Anglais; des détachemens mahrattes qui occupaient le pays gênaient singulièrement leurs généraux, qui éprouvaient de grandes difficultés à se procurer des vivres. On en vint de part et d’autre à des propositions de paix. Madha-Dji-Sindyah consentit à se retirer à Ouddjein, l’ancienne capitale du Malwa; de son côté, le général anglais s’engageait à repasser la Djamouna. Il devenait évident pour Sindyah que la continuation des hostilités lui serait défavorable. Ce que l’Angleterre poursuivait et combattait à outrance, c’était la confédération mahratte, partout présente, et qui s’agitait depuis les frontières du Mysore jusque dans le nord de l’Hindostan. Cette confédération avait rêvé l’expulsion des Anglais, elle avait pris les armes et mis sur pied des armées nombreuses, mais des déchiremens intérieurs avaient brisé les liens qui constituaient son unité. Le génie européen, si fécond en ressources, déjouait un à un tous les projets conçus par les Mahrattes dans un jour d’élan patriotique et d’ardeur belliqueuse. Le meilleur moyen de disjoindre ce grand corps, c’était de traiter séparément avec les chefs les plus puissans ou les plus ambitieux. Ceux-ci d’ailleurs commençaient à sacrifier la cause commune à leurs intérêts particuliers. Madha-Dji-Sindyah, non content d’avoir négocié pour son compte, offrit d’aller à Pounah y traiter de la paix avec Nana-Farnéwiz, régent du jeune peshwa[1].

Les conférences s’ouvrirent bientôt, et la paix fut signée à Salbye le 17 mai 1781. Par ce traité fameux dans l’histoire sous le nom de convention de Salbye, chacune des deux parties reprenait à peu près la situation qu’elle occupait avant la guerre, sauf quelques

  1. Telle était la position qu’occupait, pendant la minorité du peshwa Madhou-Rao, fils posthume de Naraïn-Rao, le brahmane Nana-Farnéwiz. Ces deux mots signifient le grand-père chancelier. Farnéwiz est une corruption du persan fard, liste, rôle, et nowis, qui écrit.