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lombardes contre la domination allemande ; mais nous ne serions pas surpris que les tracasseries ecclésiastiques auxquelles le concordat a donné naissance n’eussent été un des plus grands obstacles au succès de son œuvre. L’archiduc retourne, dit-on, en Italie. Il va trouver les populations lombardes mécontentes cette fois d’une atteinte sérieuse portée à leurs intérêts matériels dans l’affaire de la conversion monétaire qui accompagne la reprise des paiemens de la banque de Vienne. La Lombardie, pour conserver une saine circulation monétaire et se préserver du fléau du papier-monnaie qui infestait les autres provinces de l’empire, avait accepté le poids d’impôts onéreux. Il semble qu’elle avait bien mérité d’échapper aux charges qu’entraîne le retour de l’Autriche à une situation financière normale. La monnaie lombarde, les anciens zwansiger, ont été cependant dépréciés par le gouvernement autrichien dans les nouveaux arrangemens monétaires, et cette dépréciation est assez forte pour faire subir aux détenteurs de la vielle monnaie, c’est-à-dire au pays tout entier, une perte notable. Cette vexation nouvelle ne doit point cependant nous empêcher de rendre au ministre des finances autrichiennes la justice qui lui est due. M. de Bruck, qui a pris les finances de l’empire dans un état de banqueroute organisée, touche au terme de l’œuvre de réparation qu’il a entreprise et conduite avec une rare sagacité et une persévérante énergie. Grâce à un ensemble de mesures qu’il a conçues dès son entrée au ministère des finances, et qu’il a réalisées au milieu de difficultés énormes, il est arrivé à la reprise des paiemens en espèces. Parmi les récentes combinaisons qu’il a dû mettre en œuvre pour assurer la libération graduelle des charges que le passé a léguées à l’Autriche, il faut placer en premier lieu la concession des chemins de fer de Vienne à Trieste et du Tyrol, d’autres lignes encore, qui, réunis aux chemins de fer lombards-vénitiens, vont former un des plus beaux réseaux de l’Europe. Grâce à cette combinaison, une communication ferrée déjà presque achevée reliera Vienne à Trieste, Venise, Milan, et, par le prolongement de voies semblables, à Turin, Gênes, Florence et Livourne. Toute l’Allemagne orientale, une partie de la Pologne et de la Russie se trouveront ainsi desservies commercialement par Trieste, l’unique port de l’Allemagne méridionale, et par les ports italiens. La ligne du Tyrol, qui unira le réseau lombard au réseau bavarois, mettra en communication avec l’Italie l’Allemagne occidentale, et la ligne de Vienne à Trieste sera reliée en outre par des affluens avec les riches provinces agricoles du Banat et de la Hongrie. M. de Bruck a su intéresser à cette vaste entreprise les grands capitaux de l’Angleterre et de la France en leur offrant des conditions libérales et très avantageuses. Il a donné par-là à la géographie de l’empire autrichien une perfection qui lui manquait ; il a augmenté la cohésion de ses provinces, il a assuré à l’Autriche non-seulement la circulation de ses produits, qui manquaient de voies de communication économiques et rapides, mais un des plus magnifiques transits de l’Europe.

Tandis que l’Autriche travaille à l’organisation de ses ressources matérielles, la Prusse traverse avec bonheur une salutaire épreuve : la régence s’est constituée, et la nation prussienne, à la veille de se manifester par une. prochaine élection générale, salue avec confiance le règne nouveau, pour-