la chaux, est disposée et meublée de la manière la plus simple : de chaque côté, une rangée de banquettes appuyées aux murs derrière une rangée de tables-bureaux, où se tiennent les scribes ou greffiers, assesseurs du kadi. À l’entrée, un tabouret de bois pour l’huissier ou chaouch ; par terre, des nattes où les cliens s’accroupissent. Au fond, faisant face à la porte, se trouve la place du kadi, — ce qu’en France on appelle proprement le tribunal, — c’est-à-dire une estrade avec un bureau, un canapé bas à dossier de drap vert, et des coussins. Rien au mur que de fausses fenêtres formant niches, de petites armoires fermées, servant d’archives et contenant quelques livres et des papiers ; enfin, au-dessus du juge, une légende écrite en gros caractères, et tirée d’un verset du Koran.
La fonction des scribes (adouls) est de suivre les interrogatoires, d’examiner les actes, et de dresser les jugemens. On les reconnaît à leur singulière coiffure de cotonnade blanche en forme de citrouille, à leur pelisse de soie, qui cache entièrement la culotte, à leur air plus grave et plus digne, qui les fait distinguer du commun des hommes et révèle en eux des magistrats. N’oublie pas que l’adel, le scribe, est à la fois un homme de loi et un homme d’église, qu’il préside aux cérémonies du culte, aux enterremens, comme il assiste aux démêlés judiciaires, et qu’il touche ainsi, par ce double ministère, aux plus graves intérêts de la vie présente et de la vie future.
Quant au kadi, sa charge fait de lui un personnage important, même à côté de notre juridiction française ; celui-ci est personnellement le type le plus accompli que je connaisse de la haute bourgeoisie d’Alger. Il est grand, maigre, avec une barbe noire et peu fournie ; il a l’œil sagace et doux, beaucoup de distinction dans tout son air, la parole un peu voilée, le geste lent et la pâleur maladive d’un homme à santé délicate. Il est vêtu de blanc, de gris et de noir. Une longue écharpe de mousseline plissée sur son vaste turbaa sphéroïde le coiffe à la manière des marabouts et le drape abondamment jusqu’à la ceinture. Il parle peu, interroge à voix basse, et ne regarde directement les cliens que si la question paraît mériter son attention. Autrement il écoute un peu négligemment, le coude appuyé parmi des coussins, les yeux à demi fermés, moitié méditant, moitié distrait, et dans la tenue d’un homme à qui l’on ferait des confidences de peu de valeur.
Quatre ou cinq scribes, un huissier armé d’une baguette, un juge à figure belle et douce, qui représente en sa personne le conseil et l’autorité, la jurisprudence et la loi : voilà toute la magistrature. Pas d’avoués ni d’avocats, ni de ministère public ; ni délais, ni procédure à suivre, ni complications, ni lenteurs. On entre avec son adversaire, on s’assied par terre à côté de lui ; chacun à son tour expose