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d’Aumale y surprit la smala. Il a suivi, sans y prendre part autrement qu’en spectateur, le long siège de Zaatcha. Depuis et tout récemment, il apprit, un jour qu’il cheminait chez les Ouled-Nayl, entre Djelfa et Chareff, qu’une armée se rassemblait devant El-Aghouat. Aussitôt il doubla les étapes, de peur d’arriver trop tard, et il atteignait le sommet des collines au moment où partaient les premiers coups de canon du siège. Alors, c’est lui qui me l’a raconté, il mit pied à terre, et du haut de son observatoire il assista aussi commodément que possible à la bataille. J’ai vu dans son portefeuille les croquis faits pendant cette journée. Il a commencé par établir le plan de la ville et le cadre panoramique de l’action ; puis, au fur et à mesure des manœuvres, qu’il discernait très bien, il indiquait, au moyen de lignes pleines ou d’un pointillé de crayon noir, le mouvement des corps en marche ou la position momentanée des bataillons d’attaque. À l’instant même où chaque coup de canon tiré, soit de la ville, soit des batteries françaises, produisait au-dessus du champ de bataille un flot de fumée distinct et plus large, le dessinateur en exprimait le jet rapide et la forme exacte à l’aide d’un léger frottis de crayon blanc. La ville prise, il plia bagage. Il y pénétra aussitôt qu’il le put faire, armé cette fois d’un fusil qu’on lui prêta ; puis, quand il eut vu ce qu’il voulait voir et noté ce qui lui parut instructif, il partit, se remit en course vers le nord, et lit une pointe audacieuse, à travers les Ouled-Nayl, jusqu’à Bouçada.

— À propos, lui demandai-je aujourd’hui, par quel hasard vous trouvez-vous donc à Blidah ?

— Par hasard, mon cher ami, me dit-il. À dix lieues d’ici dans la montagne, pendant que je sommeillais apparemment, ma jument, qui de loin flairait une écurie, a tourné à gauche, au lieu de tourner à droite, et m’a conduit à la porte du ravin. En définitive, je n’en suis pas fâché, ajouta-t-il avec amabilité, ni la pauvre bête non plus.


Blidah, février.

L’étranger t’appelle une petite ville (Blidah),

Et moi, Blidien, je t’appelle une petite rose (ourida).


Voilà tout ce qui reste de Blidah, un distique de forme amoureuse, un nom charmant qui rime avec rose. La ville n’existe plus. Le nom résonne encore sur les lèvres des Arabes, comme un souvenir tendre et regretté d’anciennes délices.

Blidah était en effet la ville par excellence des roses, des jasmins et des femmes. Du bord de la plaine où l’on apercevait ses tours et ses maisons blanches, cachées à demi dans des forêts d’arbres aux fruits d’or, elle apparaissait précisément en face de Koleah la Sainte,