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l’objection qui pourrait être faite à nos agens diplomatiques : « Pourquoi, peut-on leur dire, pourquoi n’avez-vous pas établi dans les principautés danubiennes un pouvoir absolu ? — Parce qu’il n’y avait pas de quoi, » répondront nos agens selon la circulaire. J’aurais mieux aimé qu’ils répondissent : Parce que, dans aucun pays tant soit peu civilisé, il n’y a de quoi créer un gouvernement absolu. Le contrôle d’une assemblée n’est pas seulement nécessaire dans un pays où il y a de grands abus et des désordres invétérés à réformer, comme la circulaire le dit de la Moldavie et de la Valachie ; il est nécessaire aussi dans un pays où l’on ne veut pas que les abus s’introduisent. J’accorderais volontiers qu’un peuple très vertueux peut être gouverné par une seule volonté très vertueuse : avec la vertu en haut et en bas, tous les gouvernemens sont bons ; mais, comme cet état-là ne se trouvera qu’en paradis, il faut en attendant adapter les institutions à la faiblesse humaine. Or un peuple civilisé, et qui s’abandonne volontiers aux plaisirs de la civilisation, plaisirs coûteux et qui ont besoin de beaucoup d’argent, quel frein lui donnerez-vous pour l’empêcher de se passer toutes ses fantaisies de luxe et de jouissance, et surtout pour l’empêcher de chercher dans l’agiotage, dans les spéculations, parfois même dans la corruption, les moyens de satisfaire à ses passions ? Quelle censure lui appliquerez-vous ? Les censeurs de Rome n’ont été de mise que tant que Rome a été vertueuse, et qu’elle pouvait se passer de censeurs. Quand elle en eut le plus besoin, elle n’était plus capable de les souffrir. Il n’y a qu’une censure qui soit possible chez les peuples civilisés, c’est celle de tout le monde sur tout le monde, celle de la tribune et de la presse ; c’est cette censure-là qui prévient les abus ou qui les corrige. L’efficacité que la circulaire de M. le comte Walewski attribue avec raison en Valachie et en Moldavie au contrôle des assemblées électives n’est pas une vérité seulement sur les bords du Danube, c’est une vérité partout.


III.


On voit que nous n’avons pas un bien grand enthousiasme pour l’organisation des principautés danubiennes. Il est un point cependant qui nous paraît très important. Cette organisation a été faite dans un congrès européen, et cet acte a réalisé la garantie collective sous laquelle les principautés sont désormais placées. Que cet acte soit très imparfait et très incomplet, nous le reconnaissons volontiers ; qu’on y trouve la marque de je ne sais combien de pensées contradictoires, cela est évident ; qu’on ait fait des concessions exor-