Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principautés leur est devenu impossible le jour où elles n’ont point obtenu l’union et un prince étranger, le jour surtout où, par je ne sais quel aveuglement fatal ou par quelque calcul machiavélique, on a peu à peu changé en une sorte de souveraineté la suzeraineté de la Porte sur les principautés. La Turquie tâche de devenir un état centralisé : avec ces entreprises de centralisation dont elle a compris bien vite le profit et les bénéfices, comment voulez-vous que la Turquie ait des vassaux ? Elle ne peut plus avoir que des sujets. Centralisation et suzeraineté sont des idées et des mots de temps si différens qu’il ne peut y avoir entre eux aucun accord. L’Europe en ce moment se prête par complaisance ou par intérêt à cette centralisation de la Porte-Ottomane et à ses empiétemens. Ainsi je vois dans l’article 8 de l’acte constitutif des principautés qu’elles seront soumises à l’effet des traités que la Porte-Ottomane fera avec les nations étrangères, de telle sorte que le jour où il plairait à la Turquie, dans une heure de pauvreté dépensière, de vendre quelque privilége exorbitant sur son territoire, les principautés se trouveraient comprises dans le marché. Et qui sait même si le marché n’aurait pas été conclu avec toute la Turquie pour avoir surtout son effet dans les principautés ?

« Ce que les principautés ont retiré de la guerre d’Orient, c’est une plus complète assimilation aux provinces turques et l’ingérence de l’Autriche dans leurs affaires intérieures[1]. » Ainsi s’exprime un écrivain valaque, et il ajoute : « Franchement, après toutes les souffrances que cette guerre leur a infligées, ce n’est pas assez ! » Franchement aussi, après tous les sacrifices que la France a faits, elle pouvait, dans les principautés, prétendre à quelque chose de plus.


Saint-Marc Girardin.
  1. Lettres sur les Principautés à M. le chevalier Vegezzi-Ruscalla, page 167.