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l’électricité, que ce serait simplement mettre un nom à la place d’un autre, et qu’attribuer deux phénomènes à une cause, ce n’est point connaître cette cause : les sciences ne peuvent avoir d’autre but que de classer les phénomènes, de réduire le nombre des forces. Newton a certainement expliqué la cause du mouvement des astres en l’identifiant avec la pesanteur. Le jour où M. Regnault achèvera de démontrer clairement la transformation de la chaleur en force mécanique, il aura fait une grande découverte.

Malheureusement le cerveau ne produit pas plus d’électricité qu’un autre organe, et les nerfs ne sont pas bons conducteurs. Quoique ces expériences soient difficiles, on a cru voir que le principe nerveux va plus lentement que le fluide galvanique. Les nerfs ne sont pas entourés d’une enveloppe isolante ; ils peuvent perdre la faculté de faire contracter les muscles et conserver celle de conduire l’électricité. Quelquefois même le mouvement volontaire survit à la contractilité électro-musculaire. M. Duchenne de Boulogne l’a observé chez un malade guéri par lui d’une paralysie saturnine. Ces objections et bien d’autres sont sérieuses, et quoique l’analogie entre les deux agens puisse encore être soutenue, l’identité est abandonnée. Peut-être sont-ils semblables et distincts pourtant, comme l’électricité et le magnétisme. Je crois cependant que, malgré les analogies, on pourrait ne pas renoncer à découvrir une explication plus matérielle du phénomène. Les anciens donnaient au cerveau la fonction de séparer du sang les esprits animaux : ce n’est là qu’une image; mais peut-être n’est-elle pas fausse. Malgré de bonnes raisons de douter, l’encéphale et peut-être la moelle pourraient être des organes sécréteurs qui, filtrant, pour ainsi dire, le sang, extrairaient un liquide particulier, et des valvules, placées en sens inverse dans les nerfs du sentiment et dans ceux du mouvement, en arrêteraient ou en faciliteraient le cours. Sous certaines impressions, ce liquide serait sécrété ou excrété avec plus d’abondance, comme les glandes salivaires sont plus actives dans des conditions déterminées. Des masses considérables du liquide ainsi extrait sont peut-être accumulées parfois et s’écoulent en un instant pour produire les sensations violentes, les mouvemens brusques, énergiques. Elles s’accumulent aussi à l’origine du grand sympathique pour s’écouler lentement pendant le sommeil. D’un autre côté, la production. du liquide doit cesser lorsque le sang n’arrive plus au cerveau, et c’est ce qu’on a observé cent fois. Quelle action aurait le sang sur un fluide impondérable, sur sa production ou sur son dégagement? Il est vrai aussi que le problème est effroyablement compliqué, et que, par exemple, les fonctions des glandes, les intermittences de leurs sécrétions s’expliquent fort bien par les réactions du système ner-