Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plusieurs fêtes chômées, soit par le seul effet d’une demande plus active. Avec un égal nombre de travailleurs, on a obtenu plus de travail, et ce travail, devenant plus productif, a pu être mieux rétribué. Ce genre de progrès marchait au moins aussi vite avant 1789, car Arthur Young dit que, vingt-cinq ans seulement avant son voyage, le salaire moyen n’était que de seize sous par jour, et qu’il avait par conséquent monté de 20 pour 100 dans cet intervalle. Il est d’ailleurs à remarquer que cette augmentation dans le salaire se traduit pour l’ouvrier en une augmentation au moins correspondante de bien-être, puisque le prix des principaux objets nécessaires à la vie a peu changé et que celui des objets fabriqués en général, des tissus par exemple, a sensiblement baissé. L’habitation aussi est devenue meilleure, sinon partout, du moins dans la plupart de nos provinces.

De tout ce qui précède résulte le tableau suivant, pour le partage du produit brut par hectare :


1789 1815 1848
Rente du propriétaire 12 fr. 18 fr. 30 fr.
Bénéfice de l’exploitant 5 6 10
Frais accessoires 1 2 5
Impôts fonciers et dîmes 7 4 5
Salaires 25 32 50
Total 50 fr. 62 fr. 100 fr.

Ces progrès suffisent pour nous inspirer un légitime orgueil et une juste confiance dans l’avenir; mais nous ne devons jamais oublier qu’ils auraient pu être au moins doublés, puisque nous avons perdu la moitié environ du temps écoulé depuis la révolution. Un pays voisin, chez qui les principes de 1789 ont été dans l’ensemble, et malgré quelques exceptions apparentes, plus anciennement et plus constamment appliqués que chez nous, a fait dans le même laps de temps des progrès plus rapides encore. Il ne nous a pas fallu, après tout, moins de soixante ans pour défricher deux millions d’hectares de landes, supprimer la moitié de nos jachères, doubler nos produits ruraux, accroître la population de 30 pour 100, le salaire de 50 pour 100, la rente de 150 pour 100. À ce compte, il nous faudrait encore plus d’un demi-siècle pour arriver au point où en est aujourd’hui l’Angleterre.


LÉONCE DE LAVERGNE.