Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion, à propos des Soirées, d’examiner le sens et l’étendue de ces prédictions. Ajoutons seulement qu’à partir de cette époque les plans futurs, les plans divins, la révolution religieuse, apparaîtront ou se feront sentir à tout moment dans ses livres, dans ses lettres intimes, dans ses correspondances savantes, ou même diplomatiques. Entre autres exemples, en 1815, à propos de ce préambule de la sainte-alliance empreint de la couleur religieuse d’Alexandre, et qu’on venait de publier : « Une grande révolution religieuse en Europe est inévitable, s’écrie-t-il aussi, et déjà même elle est fort avancée; c’est ce que n’ignore aucun des hommes qui s’occupent de certaines recherches. La déclaration dont j’ai l’honneur de vous parler est une phase de cette révolution. »

Ce qu’il y a peut-être de plus singulier encore, c’est que cette rénovation religieuse devait, selon lui, s’accomplir non-seulement par l’église, mais par l’église et la France, la France, qui alors même venait d’abolir l’église sur tout son territoire. C’est que la France exerce une magistrature européenne par sa langue, par son prosélytisme, et cette magistrature, malgré tout ce qu’on voit, est religieuse. C’est pour cela même que « les plus grands efforts de la déesse Raison contre le christianisme se sont faits en France; l’ennemi attaquait la citadelle. » Il trouve même en France un fonds naturellement théocratique, dont le régime des druides et celui du moyen âge furent également l’expression. Voilà plusieurs idées qui aujourd’hui peuvent paraître banales, mais alors elles étaient toutes neuves; c’est de lui qu’elles nous viennent, et il les trouvait dans les circonstances les mieux faites pour qu’elles parussent absurdes de tout point. Ce n’est pas une vanité patriotique qui lui fait énoncer des propositions si invraisemblables; c’est une pure vue de son esprit, car il n’est pas Français, ni ne veut l’être. C’est aussi à cette vue générale sur la fonction tout à la fois religieuse et novatrice de la France qu’il faut rattacher tout ce qu’il disait, tout ce qu’il écrivait contre les projets de démembrement que nos ennemis complotaient alors. Un tel démembrement lui paraissait un attentat non-seulement contre le droit européen actuel, mais contre l’avenir le plus lointain de l’Europe. «On a voulu, dit-il, profiter, contre toutes les règles de la morale, d’une fièvre chaude qui était venue assaillir les Français pour se jeter sur leur pays et le partager. La Providence a dit que non; toujours elle fait bien... Mon opinion se réduit uniquement à ceci, que l’empire de la coalition sur la France et la division de ce royaume seraient un des plus grands maux qui puissent arriver à l’humanité. » Il y voit l’abrutissement de l’espèce humaine, « et, dit-il, ce qui vous étonnerait beaucoup, une plaie mortelle à la religion ; mais tout cela exigerait un livre. » Puis encore ailleurs ; « Que demandaient les royalistes? Ils demandaient la