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mulent rien eux-mêmes; ils les proclament, les revendiquent, et, pour ainsi dire, s’en couronnent. Sûrs du mobile qui les inspira, aucune de leurs plus terribles déterminations ne semble peser à leur mémoire, minutieusement fidèle, et en ces épanchemens étranges dégagée, ce semble, de tout scrupule. Nous les imiterons en ceci. Nous serons inflexible comme ils l’ont été; nous aussi, nous sommes certain de n’obéir à aucune inspiration mauvaise, à aucune pensée de rancune, à aucune préméditation calomnieuse. Pourquoi reculerions-nous devant quelques noms à flétrir plus que ceux qui les portent n’ont reculé devant de froides exterminations ordonnées à loisir, loin du champ de bataille, et dont le souvenir les laisse, non-seulement tranquilles, mais satisfaits, orgueilleux, et tout disposés à recommencer demain, s’il le fallait, leur œuvre sanglante?

Un mot sur l’ordre inusité dans lequel ces récits se succèdent. Quelques-uns des événemens que nous allons raconter sont antérieurs au siège de Lucknow, la plupart sont contemporains de cette mémorable résistance; mais les premiers documens offerts à la curiosité publique ont porté presque exclusivement sur les péripéties dramatiques de la rébellion de l’Oude. Là s’étaient passés les événemens qui parlaient le plus haut à l’imagination du public anglais. L’insurrection de Meerut, le siège de Delhi, les révoltes partielles du Pendjab, tous ces épisodes, si dignes d’intérêt au point de vue historique, pâlissaient devant les tragédies de Cawnpore, les angoisses dont Lucknow avait été le théâtre et le sujet. Aujourd’hui une réaction se fait, ou, pour mieux dire, une réaction est sollicitée. Les vainqueurs de Delhi demandent à être entendus à leur tour. Les gouvernans du Pendjab, fermement convaincus, — et non sans raison peut-être, — que si l’Inde est encore anglaise, c’est à eux qu’on le doit, font valoir leurs titres à la reconnaissance nationale. Ceux qui ont souffert s’écrient, comme Guatimozin : « Et moi donc, étais-ie sur des roses? » Ceux qui ont vaincu réclament les honneurs du triomphe. C’est à cette émulation que nous devons les nombreux volumes où nous allons puiser un nouveau chapitre de l’histoire de l’Inde anglaise en 1857.


I.

Quand on oppose la fidélité traditionnelle des cipayes aux instincts de rébellion qui se sont manifestés dans l’armée du Bengale, on ne tient pas compte, ce semble, de précédens qui sont pourtant assez significatifs. En 1763, après la guerre avec le nabab d Oude, une insurrection militaire éclata, qui fut promptement désavouée, sinon réprimée. L’année suivante, le fameux bataillon rouge vit huit de