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du 14. Comme à Meerut, comme à Delhi, comme à Jullundur, les cavaliers donnèrent le signal en courant au galop sur tous les points aux ms de : Les Feringhis arrivent! Ils veulent nous christianiser ! Puis l’incendie et le pillage, puis l’assassinat des officiers, le massacre des femmes et des enfans. Un médecin, qui, la veille au soir, à table, se riait des craintes exprimées devant lui, est tué dans sa voiture, à côté de sa fille. Celle-ci, entraînée dans un corps de garde, y trouve, par miracle, un officier européen et quelques soldats fidèles qui parviennent à la sauver. Des familles entières, — une entre autres de huit enfans, — tapies dans d’obscures cachettes, y passent quatorze heures entre la vie et la mort, à côté de leur demeure mise à sac, au bruit des meubles qu’on brise, des toits qu’on démolit, des dépôts de poudre qui sautent l’un après l’autre; des prêtres, des femmes sont égorgés de sang-froid : — bref, une série d’horreurs dont ces récits indiens nous ont rassasiés, mais dont il ne faut cependant pas manquer d’évoquer le souvenir, car il explique, s’il ne justifie point, les épouvantables représailles qu’on en a tirées.

A l’heure même où ces désordres ensanglantaient la station isolée de Sealkote, des émissaires fidèles allaient en prévenir Nicholson, et Nicholson ne devait pas laisser la révolte bien longtemps impunie. Les insurgés cependant, après avoir délibéré si, possesseurs d’un canon de 12, ils n’attaqueraient pas le fort où s’étaient retirés les Européens échappés au massacre, songeant à la colonne mobile qui parcourait le pays et dont ils ignoraient la direction actuelle, sortirent de Sealkote, musique en tête, bannières déployées, chargés de butin, ivres de joie. Nicholson était alors sous les murs de Phillour, occupé à désarmer plusieurs régimens d’une fidélité devenue douteuse. Ces régimens formaient exactement la moitié de la colonne placée sous ses ordres[1]. Il n’hésita cependant pas une minute, et une marche forcée sous le soleil de juillet le porta d’Umritsur à Goudaspore. Il apprit en y arrivant que les rebelles de Sealkote étaient à quinze milles de là, sur le point de traverser la Ravee, qui les séparait encore de lui. Rien de plus simple que de leur disputer le passage, mais il s’en garda bien. Le fleuve, en grossissant derrière eux, — c’était l’époque des crues, — devait les lui livrer bien acculés, ou noyer ceux qui essaieraient de le retraverser dans leur fuite. Le calcul se trouva juste. Un premier combat, où ils essayèrent de tenir bon, leur coûta cent cinquante hommes, sans

  1. C’étaient les 59e 33e, 35e d’infanterie indigène, plus un escadron du 9e de cavalerie. Ils marchaient de conserve avec le 52e d’infanterie royale (anglais) et une artillerie fidèle, toujours placée de manière à écraser les cipayes, s’ils faisaient mine de bouger. Après leur licenciement, il lui restait, outre le 52e et son artillerie, des détachemens de deux régimens du Pendjab, une compagnie de police et deux des ressallahs nouvellement levés et organisés.