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l’assaut (quarante-six officiers et huit cents hommes environ tués ou blessés). Le 17 et le 18 se passèrent à enlever successivement, et toujours au prix de sacrifices essentiels, les postes avancés de l’ennemi. Le 19 seulement, le bastion Burun, placé entre la porte de Caboul et celle de Lahore, put être enlevé par surprise. Le 20 au matin, on acheva, sans trop de résistance, la prise du reste de l’enceinte fortifiée. Le palais même et le grand temple mahométan, la Jumna Musjid, défendus obstinément, et qu’il fallut bombarder durant trois journées entières, ne furent occupés que le 20 à midi, après la fuite du dernier corps d’insurgés, dont quatre ou cinq mille hommes traversèrent précipitamment la Jumna par le pont de bateaux, et les autres remontèrent la rive droite de ce fleuve.

Ceux-ci emmenaient le vieux roi, qui fut rejoint près du Khootub par un détachement d’irréguliers à cheval commandés par le lieute- nant Hodson, et ramené prisonnier dans son palais. Trois shahzadas ou princes du sang royal, — Mirza-Mogul, le chef nominal de l’armée rebelle, Mirza-Khoje-Sultan, tous deux fils du roi, et Mirza-Abboo-Bukker, son petit-fils, — furent également découverts le lendemain par l’infatigable lieutenant, et chacun sait ce qui en advint. Hodson, formé dans le Pendjab à la rude école que nous connaissons maintenant, quand il se vit en face de ces princes, les auteurs présumés de la sédition, les complices de tant d’assassinats commis dans leur palais, ne put attendre que justice leur fût faite régulièrement. Il prit tour à tour des mains de ses hommes trois carabines chargées, et, coup sur coup, étendit morts à ses pieds les trois derniers descendans de la dynastie mogole. Leurs cadavres, ramenés à la Kotwnlee, y restèrent exposés tout le jour, en ce même endroit où tant de malheureuses victimes, — hommes, femmes, enfans, — avaient ignominieusement péri, sans que les shahzadas eussent pu ou voulu les soustraire à la fureur des cipayes.

Ce tragique épisode clôt pour nous le siège de Delhi. Nous pourrions, accompagnant la 17e batterie, aux ordres du colonel Bourchier, suivre de Delhi à Cawnpore la colonne lancée à la poursuite des fuyards, et ceci nous conduirait à raconter toute l’histoire de la révolte dans les provinces du nord-ouest. Un jour peut-être nous aborderons ce troisième et dernier chapitre. Pour le moment, nous avons atteint, nous avons même dépassé les limites qui nous étaient assignées, et montré sous ses deux faces, — l’une odieuse, l’autre admirable, — le caractère de la répression. On peut apprécier maintenant la vigueur, l’énergie presque surhumaines et aussi la cruauté sans remords déployées tour à tour par ces hommes de fer que l’Angleterre a eus pour champions dans une des plus violentes crises que son empire indien ait traversées.