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LES
COTES DE LA MANCHE

CHERBOURG


I.
LA RADE ET LE PORT MILITAIRE.



Littusque rogamus
Innocum et cunctis undamque auramque patentem.
(Æn., l. VII.)

Lorsque le cardinal de Richelieu fit faire en 1639 et 1640 la recherche d’un emplacement propre à recevoir le port militaire dont il jugeait l’établissement sur les côtes de la Manche indispensable, Cherbourg fut le terme de l’exploration de ses commissaires, et, tout bien choisis qu’ils étaient, ils n’eurent aucun pressentiment des destinées de cet atterrage : ils n’y virent « qu’un bon abri ouvert en arrière de rochers dangereux, » et en repartirent après un séjour de vingt-quatre heures. Ils y seraient vainement restés plus longtemps : l’art des constructions, les finances de l’état étaient encore dans l’enfance, et l’on ne pouvait pas rêver une transformation dont l’accomplissement devait exiger tout l’effort de la virilité. Cinquante-trois années s’écoulèrent, et la fatale bataille de La Hougue, gagnée par quatre-vingt-dix vaisseaux de ligne et trente-sept frégates et brûlots anglais et hollandais contre les quarante-quatre vaisseaux et les treize brûlots de Tourville, apprit à tout le monde ce qu’avait prévu le grand cardinal, la nécessité d’avoir dans