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tinuel faisait en réalité cheminer la digue vers le fond de la rade; en 1828, elle s’était ainsi avancée parallèlement à elle-même de 10 mètres sur toute sa longueur, et la meilleure partie du mouillage avait perdu par cette seule cause une étendue de quatre hectares.

M. Cachin s’était obstiné à prétendre qu’on pourrait fixer la crête de la digue au moyen d’un couronnement de gros blocs; mais, si résistans que fussent ces blocs par leur masse, leurs bases ne pouvaient pas manquer d’être tôt ou tard affouillées, et, une fois hors d’équilibre, ils roulaient, un peu plus tôt, un peu plus tard, d’eux-mêmes derrière la digue. D’autres systèmes fuient proposés : celui de M. Duparc présentait seul le degré de puissance et de simplicité qui est la garantie de la durée. Il consistait à élever progressivement les empierremens à leur hauteur normale et à couronner la digue dans toute sa longueur par un prisme de béton et de maçonnerie de 10 mètres de largeur sur 7m 50 de hauteur. Le projet, très soigneusement étudié, fut adopté par M. Hyde de Neuville. L’exécution en a été dirigée par M. Duparc jusqu’à la fin de 1838; elle a été confiée après lui à M, Reibell, qui a terminé la digue en 1853. Toutes les prévisions de M. Duparc ont été confirmées par l’expérience. L’empierrement, comprimé par un poids de 20,000 kilogrammes par mètre carré, n’a point éprouvé de tassement sensible, les galets que peuvent rouler les lames, arrêtés au pied du massif, ne font que fortifier l’empierrement, et les tempêtes qui labouraient autrefois le dos de la digue expirent impuissantes au pied d’une masse solidaire dont chaque mètre courant pèse près de deux cents tonnes. La stabilité de la digue peut désormais défier toutes les fureurs de l’Océan[1].

La digue est fondée par des profondeurs moyennes de 13 mètres au-dessous des plus basses, et de 20 mètres au-dessous des plus hautes mers d’équinoxe; la longueur en est de 3,712 mètres à la base, de 3,550 mètres au couronnement. Cette longueur est l’équivalent de la distance de la cour carrée du Louvre à l’arc-de-triomphe de l’Étoile. Le fort central occupe à 1,270 mètres du musoir oriental le sommet de l’angle de 169° que forment les deux branches

  1. Je me suis abstenu à regret de détails techniques sur des travaux qui font le plus grand honneur aux ingénieurs qui les ont conçus ou exécutés. Les lecteurs qui seraient curieux de notions plus complètes consulteront avec beaucoup de fruit : 1° le Mémoire sur la Digue de Cherbourg comparée au Breakwater de Plymouth, par M. Cachin, in-4o, Paris 1820; 2° les Travaux d’achèvement de la digue de Cherbourg, de 1830 à 1853, par M. Bonnin, ingénieur des ponts et chaussées, in-4o, Paris 1857. — M. Bonnin a été chargé de la direction immédiate des travaux de la digue de 1843 à 1853, et il passe parmi ses camarades pour avoir pris sa mission à cœur au point d’être resté cinq années de suite sur la digue sans venir une seule fois sur la terre ferme.