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passe comme tous les triomphes, et c’est alors qu’on voit seulement ce que la femme valait en réalité. L’orgueil de la jeunesse, les luttes de la vanité, les jalousies féminines, les rivalités, les coquetteries, tout ce qu’engendre chez la femme le grand don de la beauté, tout cela a fui irrémédiablement, et désormais ne pourrait être rappelé sans honteux artifices et sans ridicules prétentions. Il faut se résigner à être vaincue. Il importe peu maintenant que les yeux aient eu l’éclat du nacre, et la chevelure le reflet des ailes du corbeau. Nous allons enfin savoir si c’était la chair seule qui avait en elle la puissance de séduire. C’est donc dans la vieillesse de la femme qu’apparaît réellement tout le mérite de son âme. Une vieille femme ne trompe et ne peut plus tromper personne. Dans la jeunesse, sa bonté avait été dédaignée, ou ses mauvais penchans avaient été dissimulés; mais maintenant quelle revanche de l’âme! Il faut se montrer telle qu’on est, ange ou sorcière. Aussi n’y a-t-il que deux catégories de vieilles femmes : celles qui sont bonnes et celles qui sont exécrables. Mauvaises, elles sont la peste sociale la plus fétide; bonnes, elles sont le plus pur sel de la terre.

Le livre de M. Michelet est déjà dans toutes les mains; il sera lu avec la curiosité qu’éveille un pareil sujet et l’empressement que mérite le talent de l’écrivain. Je me recueille un instant avant de le fermer tout à fait, et je me demande s’il atteindra le but que l’auteur lui avait assigné. L’impression qui m’en reste est fort mélangée, le plaisir qu’il m’a causé est un plaisir un peu trouble; en dernière analyse, je ne sais pas si l’auteur a voulu recommander aux hommes de son temps autre chose que d’être respectueux et tendres envers leurs femmes, et de les aimer fidèlement. Je ne découvre qu’une méthode d’amour conjugal qui n’est applicable qu’à une portion très restreinte de la société, une méthode à l’usage des pauvres volontaires (race peu nombreuse), plus une mine inépuisable de fines observations et de belles images. Les gens sages seront un peu scandalisés de ce livre: ils s’étonneront qu’un sujet aussi sérieux soit couvert d’autant de fleurs, et demanderont à M. Michelet si dans sa pensée le mariage est un perpétuel épithalame; les maris prosaïques sortiront de cette lecture fort désenchantés, découragés, et humiliés de se sentir incapables de tant d’inventions galantes et de prévenances poétiques. Les femmes ne voudront pas convenir qu’elles soient malades et barométriques autant que le dit M. Michelet, et d’un autre côté elles trouveront, dans les soins minutieux que l’auteur recommande aux maris d’avoir pour elles, la sanction du droit qu’elles se sont arrogé de temps immémorial d’être exigeantes à tort et à travers. Les jeunes gens qui y chercheront des consultations sur le mariage se trouveront aussi embar-