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les remboursemens auxquels elle peut donner lieu sont couverts par des apports correspondans ; les autres pourraient causer de graves embarras, si elles étaient étendues au-delà de certaines limites, parce qu’elles exposeraient le trésor à des demandes simultanées de remboursement qu’il serait difficile de satisfaire, ou auxquelles on ne pourrait faire face qu’avec des sacrifices onéreux, et en aggravant la crise qui les aurait provoquées. Il y a donc, si l’on peut s’exprimer ainsi, une portion de la dette flottante qui est nécessaire, qui est stable, et qui permet de maintenir une sorte de découvert normal : c’est celle à laquelle subviennent les cautionnemens et les fonds départementaux et communaux. Il y en a une autre à laquelle l’expérience des temps réguliers nous autorise à reconnaître les mêmes qualités, mais qui cependant, au-delà de certaines limites, n’est point sans inconvéniens : c’est celle qui est fournie par les caisses d’épargne. Il y en a enfin une troisième, celle qui s’alimente aux bons du trésor, qu’il faut surtout surveiller et contenir. Ces distinctions faites, il n’y a plus qu’à voir les chiffres fournis par ces trois branches de la dette flottante pour reconnaître jusqu’à quelles limites le découvert peut aller sans susciter des dangers au trésor, , et sans entraver ce que nous appelons la liberté des budgets.

Or, sans chercher à préciser ces chiffres, en comptant de 200 à 250 millions pour la première catégorie, il est évident que 200 millions versés par les caisses d’épargne ne seraient point un danger, non plus que 200 millions provenant des bons du trésor, et qu’avec une dette flottante ainsi constituée, à laquelle s’adjoindraient d’autres ressources, telles que l’excédant des recettes sur les prévisions des budgets et l’anticipation des rentrées de l’impôt, il serait très facile de faire face à un découvert d’environ 700 millions. Les faits signalés par le rapport du ministre des finances permettent d’espérer que nous sommes à la veille d’atteindre ce résultat. La dette flottante était de 815 millions au commencement de cette année ; ci l’on en déduisait les 15 millions dus par l’état à la Banque, mais qui sont remboursés annuellement par sommes de 5 millions sur les ressources ordinaires du budget, la dette flottante proprement dite était donc de 770 millions. Dans cette somme, les bons du trésor figuraient au 15 février, à ce que nous apprend le ministre des finances, pour 345 millions. Depuis cette époque, il en a été remboursé pour 140 millions. La dette flottante doit donc avoir été ramenée en ce moment aux environs de 630 millions. Si maintenant l’on considère les ressources que nous a déjà données l’accroissement des recettes du budget de 1858, qui avait été établi avec un excédant de 20 millions, et dont les produits réalisés dépassent de 75 millions les chiffres prévus, si l’on songe en outre que les revenus de 1858 dépassent déjà de 20 millions les recettes présumées de 1859, lesquelles étaient basées sur un excédant de 8 millions, et qui ne peuvent manquer de donner elles-mêmes sur les produits de 1858 un accroissement proportionné au progrès continu des revenus indirects, l’on est bien en droit de considérer la France comme rentrée dans une situation financière normale. Nous avons recouvré ce que nous avons appelé l’affranchissement de nos budgets, la liberté de combiner désormais les branches et les élémens de nos revenus en vue du présent et de l’avenir, et non plus sous le poids des engagemens du passé. Quel usage ferons-nous de cette liberté ?