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des récifs et des bas-fonds qui obstruent la rivière retardèrent l’expédition, si bien que ce fut seulement vers la fin d’octobre qu’elle atteignit la chaîne de montagnes à laquelle M. Stokes a donné son nom, Stokes-Ranges, et qui marque le point extrême atteint par ce voyageur. Une succession de plaines boisées, de riches pâturages et de plateaux sablonneux coupés de blocs de grès quelquefois énormes, et de chaînes de montagnes d’une médiocre hauteur, tel était l’aspect général du paysage, suivant que la région était arrosée ou privée d’eau. Les deux derniers mois de l’année furent employés à une excursion le long de la vallée de Victoria.

Rien d’inégal et de bizarre comme les rares fleuves de l’Australie : le Victoria coulait, entre des berges énormes, à neuf cents pieds au-dessous des hauteurs qui dessinent sa vallée, et les déchirures que ses eaux avaient tracées sur leurs flancs durant ses inondations périodiques accusaient un changement de niveau de cent pieds. En se retirant, elles avaient fécondé le sol, qui s’était couvert de riches pâturages. À l’époque de l’année où l’observait M. Gregory, le fleuve commençait à grossir ; chaque jour amenait une crue énorme, et les voyageurs se retirèrent devant son débordement. Le point extrême auquel M. Gregory parvint sur les bords du. Victoria approche du dix-septième parallèle. Quant au schooner, ses avaries ne lui permirent pas de remonter au-delà de trente milles. L’expédition ne borna pas toutefois ses travaux à cette incomplète reconnaissance : en continuant à se diriger droit dans le sud, à travers des plaines immenses où pousse par places inégales, au milieu d’un sable rougeâtre, une herbe rare et maigre, et après avoir contourné des chaînes de collines de grès et de granit, les voyageurs parvinrent à une plaine couverte d’herbes et de roseaux qui annonçait l’approche d’un nouveau cours d’eau. En effet, ils ne tardèrent pas à atteindre, vers le 18e degré de latitude sud, une rivière assez considérable qui, après quelques détours vers le nord, les conduisit brusquement au sud-ouest. La rive droite en était fertile et animée par une végétation abondante, tandis que la rive gauche, sillonnée de longues collines de grès, ne montrait au milieu de buissons et de broussailles que de maigres arbustes. Cette rivière, à laquelle les voyageurs ont donné le nom de Sturt-Creek, et qu’ils ont suivie sur un espace de trois cents milles, se perd dans une suite de lacs salés à demi desséchés, qui s’en vont peut-être rejoindre par une série d’autres lacs le lit du Torrens, à cent ou deux cents lieues de là.

Vainement M. Gregory et ses compagnons tentèrent de pénétrer au-delà des lacs ; à partir de ce point, le désert commençait dans toute sa sauvage horreur : plus d’herbages, des collines de grès, des plaines où les coquilles mêlées au sable attestaient le long séjour