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et qui doive à son origine la transmission occulte d’une autorité sacrée. Pendant vingt ans, il a trouvé que les évêques anglicans remplissaient cette condition, comme se l’imagine encore l’évêque d’Exeter. Il se déclarait en même temps pour la vertu miraculeuse du baptême comme moyen de régénération de l’homme intérieur, et cette foi à une transformation de l’âme, dont l’âme n’a pas conscience, est encore un des traits qui caractérisent la nouvelle secte ultra-épiscopale. De telles croyances étaient, en bonne logique, peu conciliables avec le protestantisme. M. Newman était de ces esprits qui veulent être conséquens ; il l’a été, et il s’est fait catholique : c’est aujourd’hui le père Newman, de l’oratoire de Saint-Philippe de Néri, regardé, non sans raison, comme le premier écrivain de son église en Angleterre, et qui, dans toutes les églises et dans tous les pays, serait placé à un rang très élevé pour l’esprit et le talent. Son frère, M. Francis William, plus jeune que lui, est entré en 1822, âgé de moins de dix-huit ans, à l’université. Il a signé avec allégresse les trente-neuf articles dans la foi desquels il avait été élevé, et là, assailli bientôt de réflexions que son frère ne savait comment accueillir, ne sachant pas les comprendre, il a lentement, très lentement, mais sans rétrograder jamais, marché, de conséquence en conséquence, dans la voie du doute, et en quelques années déposé une à une toutes les croyances orthodoxes pour s’arrêter au-delà du dogme unitaire dans la religion d’un déisme subjectif.

C’est aussi un écrivain de mérite, et ses travaux historiques et littéraires seraient dignes de toute l’attention de la critique ; mais ce sujet n’est pas le nôtre : c’est l’histoire de ses croyances qui nous intéresse, et il l’a racontée avec une sincérité hardie. Quoiqu’il nous paraisse plus propre à la méditation qu’à l’exposition philosophique, les confessions de sa conscience religieuse sont devenues de curieux ouvrages de controverse. On y trouve déduit avec une certaine suite ce qui ne se rencontre qu’en fragmens détachés dans ce que Hare et M. Carlyle nous ont conservé de John Sterling[1] : l’ensemble des réflexions, des doutes, des recherches et des souffrances que fait traverser aux esprits inquiets et sincères la crise interne de l’Angleterre religieuse. En France, on en finit plus vite avec le doute ou avec la foi. Jouffroy seul nous a raconté quelque chose des angoisses de sa raison dans sa jeunesse. C’est un récit fort éloquent, mais les épreuves ont été courtes. Chez nous, un croyant ou un sceptique, c’est bientôt fait, et l’un est ensuite aussi tranquille que l’autre. Ni l’un ni l’autre ne nous représenterait exactement M. Francis Newman.

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1852.