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non-seulement vous continuerez à être persécutés de tous, ce qui vous importe peu, mais vous ne servirez de rien à votre siècle. » Il s’agissait bien de servir le siècle ! Les jésuites s’en tiennent à leur sintut sunt, aut non sint. Comme il faut toujours combattre à armes égales, on ne peut leur résister qu’en s’organisant aussi en sociétés secrètes : ces sociétés se forment, s’étendent, se multiplient. Obscurité contre obscurité : c’est, selon Balbo, ce qui arrive toujours, de même que les deux pôles d’une pile se correspondent en forces égales. Et après 1848, que la lumière se fasse dans le gouvernement, que les conspirations démocratiques abandonnent même la partie, les agens de la ligue austro-romaine ne cesseront pas pour autant de remuer sous terre, parce que c’est d’eux que vient l’initiative clés dissimulations. Ils ne subissent pas cet équilibre de déguisemens politiques dont parle Balbo avec amertume ; ils le provoquent, et lui survivront. « Ces gens-là, disait M. de Maistre, vont toujours per cuniculos. »

Il est inutile de faire remarquer qu’en tout ceci il s’agit non pas de religion, mais de politique. Nous ne mettons pas même en cause la personne du saint père, toujours vénérable et vénérée. On connaît trop bien les influences dont il est entouré pour lui faire le moindre reproche. On sait qu’en 1847, alors que la diplomatie autrichienne ne le dominait plus, et que M. de Rossi l’engageait, au nom de la France, à consolider son gouvernement par de sages réformes, il rencontra, comme Charles-Albert, dans ses hauts fonctionnaires une opposition qui causa bien des malheurs, en empêchant que des mesures salutaires fussent prises à temps. La cour romaine, oligarchie où le pape n’a pas toujours le dessus, se conforme à sa tradition. Il est naturel qu’elle s’attache aux vestiges du moyen âge qu’elle découvre encore dans l’Europe moderne. Tant que Charles X est sur le trône, les congrégations qui florissent en France peuvent faire croire à Léon XII que les temps de saint Louis sont revenus ; mais, depuis la révolution de juillet, l’Autriche domine seule dans les conseils du Vatican, parce qu’elle seule représente encore en Europe l’infaillibilité temporelle de la souveraineté féodale, en regard de l’infaillibilité spirituelle du saint père. L’alliance vient de l’affinité. Il le faut dire pour l’honneur du saint-siège : la pression exercée sur les Légations n’est pas ce qui le détermine ; les Français pourront s’installer à Ancône, à Civita-Vecchia, à Rome même, sans obtenir la prépondérance. La France, c’est Voltaire, c’est Napoléon, c’est Louis-Philippe, toujours la révolution, qui ne s’apaise de plus en plus que parce qu’elle est de plus en plus victorieuse. La cour de Rome ne croit donc pas à la France ; elle ne peut, elle ne doit pas croire en elle. M. de Metternich a quelque raison quand il montre au pontife inquiet, à la suite de la liberté populaire,