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pouvoir qui nous est inconnu parmi les forces qui régissent la nature. Cependant, si nous nous sommes élevés à la notion d’un Dieu, c’est-à-dire d’une puissance intelligente, les miracles en sont une marque, et nous la rendent pour ainsi dire présente. Du reste, avec ou sans miracles, le christianisme a fait ses preuves ; l’œuvre du Christ a changé le monde. Par lui, non-seulement les vérités fondamentales de toute religion sont devenues plus saisissables et plus saisissantes, mais encore une révolution morale s’est accomplie, et de nouveaux devoirs ont enfanté de nouvelles vertus. Le sentiment d’une mission de paix et de vérité a été jeté dans le monde par l’exemple et l’influence de la sienne. M. Martineau s’anime d’une pieuse allégresse, quand il célèbre, en décrivant ses effets, les beautés du christianisme, et c’est dans ces momens que l’on croit le mieux entendre, en le lisant, un prédicateur chrétien.

Son Rationale ne saurait toutefois être pris comme une démonstration de la religion unitairienne ; mais c’est un exposé de la méthode à suivre pour s’en approcher, et la manifestation d’une certaine foi générale à l’Évangile fondée particulièrement sur l’amour du bien moral et sur l’amour de l’humanité. Le sentiment du péché, comme principe du besoin et de l’idée d’une rédemption, ne joue pas un grand rôle dans les croyances de M. Martineau. Sous ce point de vue, il semble très peu protestant ; c’est un philosophe religieux, un optimiste chrétien, un esprit croyant et libéral, qu’on jugera mieux en l’écoutant parler.


« Foi de nos pères ! toi d’où ils tiraient une divine force dans leurs travaux et une divine paix dans leurs souffrances, toi qui leur donnais l’espérance de s’endormir en Jésus, et leur ouvrais le ciel où maintenant ils résident à jamais ! Foi des poètes et des philosophes, des prophètes et des martyrs, des meilleurs amis de l’humanité et des ennemis de la misère et du mal ! Foi de Milton et de Howard, qui inspirais la muse de l’un quand elle laissait échapper les accens de la piété et de la liberté tout ensemble, et qui armais le courage de l’autre pour braver la maladie et percer les ténèbres des cachots, afin qu’aucun enfant de la faute ne pût rester sans consolation ! Foi du peuple, dont les prêtres n’ont pas eu le pouvoir d’éteindre la générosité, et dont les tyrans ont en vain combattu les tendances libératrices ! Toutes tes victoires ne sont pas encore remportées, non, jusqu’à ce que les dernières et les plus abaissées des victimes de la pauvreté, de l’ignorance et du péché aient été rachetées et relevées à la conscience de l’intelligence et au sentiment de l’immortalité. Dans une douce majesté, tu as été portée sur les lieux hauts de notre monde, comme ton grand Auteur sur le mont des Oliviers. Descends un peu plus bas, descends dans les vallées, là où l’humaine souffrance se cache et pleure. Regarde encore la cité que nous habitons à travers les larmes de la pitié, et rends-nous dignes de nous unir dans le cri de joie : Hosannah au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »