Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après vingt-cinq ans de ministère à Liverpool, M. James Martineau vient d’être appelé dans la ville de Londres. Nous avons sous les yeux son discours d’adieu à son ancien troupeau, si ce nom convient aux auditeurs ordinaires d’un ministre unitairien. On y retrouve, avec une couleur de moins en moins dogmatique, cette pensée dominante, qu’au théisme il suffit que Dieu existe, tandis qu’au christianisme il faut encore que Dieu vive. C’est l’union vivante de Dieu avec l’humanité qui est le fond de la religion, et là est la grande révélation de l’Évangile. On sent que cette pensée peut indifféremment s’accorder avec toutes les croyances particulières dont se compose la foi chrétienne, ou s’en dégager au contraire pour devenir seulement cette perpétuelle théophanie que le néo-platonicien retrouve dans tous les phénomènes de l’univers, et particulièrement du monde moral. Cette flexibilité d’une religion qui n’exclut presque rien, qui n’exige presque rien, peut avoir de certains avantages dans la pratique, car les hommes, au fond de leur pensée, aiment plus qu’ils n’en conviennent à choisir entre les articles du symbole qu’ils professent extérieurement ; mais elle donne, dans la spéculation et dans la controverse, à la doctrine unitairienne une faiblesse systématique dont il lui sera toujours assez difficile de se corriger.


IV

On remarquera un trait commun à tous ces défenseurs de la libre interprétation du christianisme contre l’interprétation orthodoxe : ils ont tous foi dans le progrès social, ils tendent tous aux réformes politiques. En général, ils approchent du radicalisme ; quelques-uns même le poussent à ce que le continent appelle le socialisme démocratique. Il est assez rare qu’ils se préservent d’un penchant imprudent pour les livres des novateurs illimités que l’Europe tient en si juste défiance. On aurait tort d’expliquer cela par le thème trivial de la fraternité révolutionnaire. Même quand des Anglais ont l’air de faire comme les autres, soyez certain que c’est pour des raisons particulières ; ils se distinguent de ceux à qui ils ressemblent. Ce n’est pas non plus par calcul que les auteurs dont nous parlons cherchent appui là où ils croient entrevoir quelque communauté d’idées ; et certainement un lien secret opère ce rapprochement, en partie involontaire. Sans ici rien approfondir, on doit avertir les penseurs religieux qui n’ont avec les excentricités philosophiques et sociales aucune identité de motifs et d’intentions, qu’ils ne sauraient trop user de discernement dans le choix de leurs alliances. Les minorités sont toujours trop faciles à s’associer par la communauté des