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qu’ils venaient de faire à leur protégé. Trois corps d’armée s’avancèrent de divers points pour opérer la restauration du peshwa: le premier, formé des troupes subsidiaires imposées au nizam de Hyderabad, venait par la frontière de l’est; le second, tiré de l’armée de Madras, s’assemblait sur la frontière du Mysore; le troisième, composé des levées aux ordres des chefs mahrattes du sud, se préparait à joindre les généraux anglais. Devant ces forces redoutables, dont la réunion présentait un total d’environ vingt mille combattans, les bandes de Djeswant-Rao, qui s’étaient attardées à pilier dans le Dekkan, se dispersèrent à la première sommation. Enfin le 13 mai 1803 Badji-Rao rentra dans la ville de Pounaii, et fut réinstallé dans son office de peshwa sous la protection des baïonnettes anglaises[1]. L’empire mahratte avait cessé d’exister par lui-même: toutes les ruses, toutes les intrigues de Badji-Rao aboutissaient à l’asservissement de son pays. Pour se soustraire à l’influence d’une féodalité redoutable qui l’opprimait et gouverner plus librement, il avait accepté la tutelle d’une nation étrangère, et tous les efforts qu’il fit plus tard dans un sens opposé ne devaient avoir d’autre résultat que d’amener le complet anéantissement de la confédération mahratte comme pays indépendant.

Le râdja de Nagpour, Raghou-Dji-Bhounslay, ne se montra pas moins indigné que Dowlat-Rao-Sindyah. Il avait toujours vu avec un extrême déplaisir le peshwa se rapprocher des Anglais et favoriser imprudemment leurs desseins en les introduisant au cœur même du pays. Tout disposé à coopérer avec Stndyah, le râdja de Nagpour s’empressa d’augmenter son armée. Sa cavalerie se recrutait d’ordinaire parmi les Mahrattes du midi et les aventuriers musulmans; dans son infanterie, il faisait entrer des Arabes que les guerres du dernier siècle avaient jetés sur le sol de l’Inde, des étrangers de toutes les provinces, et aussi des gosaïns, religieux mendians qui marchaient sous les ordres de leur directeur spirituel et ne se battaient pas moins bien que les autres soldats. Ses finances, aussi bien réglées que celles de Dowlat-Rao l’étaient mal, lui permirent de faire face aux premiers frais de la prochaine campagne, et malgré sa grande prudence il n’hésita pas à entrer dans la ligue.

Des émissaires anglais vinrent trouver Dowlat-Rao : ils essayèrent de le désintéresser dans cette grande question d’où dépendait l’avenir des pays mahrattes; mais le mahârâdja ne fit que des réponses évasives. Les lettres du peshwa, fidèle à sa manie de jouer un double jeu, l’encourageaient toujours dans la résistance, et le souverain

  1. L’auteur de l’Histoire des Mahrattes dit formellement : « Le peshwa, escorté par un corps d’infanterie de deux mille trois cents hommes, dont douze cents européens,… reprit sa place sur le musnud (trône) le 23 mai, etc. »