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de Trimback-Dji-Dainglia, doué de cette hardiesse dans le crime qui manquait au peshwa. En l’associant à ses destinées, celui-ci fut conduit à se départir de sa prudence accoutumée, et ils accomplirent de connivence un assassinat odieux qui les perdit pour toujours. Des discussions d’intérêts amenèrent cette catastrophe. Depuis bien longtemps, le petit état de Baroda, gouverné par les Guickowar, avait des comptes à régler avec le peshwa à propos des revenus de quelques districts. L’affaire, déjà fort embrouillée, se compliquait encore des exigences de Badji-Rao et des restrictions qu’y apportait le gouvernement anglais, devenu possesseur de territoires importans dans cette même principauté de Baroda. Des trois parties intéressées, le peshwa seul cherchait à traîner les négociations en longueur; les Anglais désiraient voir cesser le prétexte qu’y trouvait la cour de Pounah de continuer des relations suivies avec les râdjas voisins. De son côté, le petit souverain de Baroda avait à cœur de régler ses comptes au plus vite, il envoya donc à Pounah Gangadhar-Shastrie, brahmane fort estimé dans le pays. Ce brahmane, prudent comme tous ceux de sa caste, se mit d’abord sous la protection du résident anglais, puis il entama des négociations qui, au bout d’un an, n’avaient point fait un pas. Ennuyé de ces délais, Gangadhar se disposait à retourner à Baroda, lorsque le peshwa vint à bout de le retenir à force de complimens et de cajoleries. Gangadhar se vit bientôt circonvenu de toutes manières par le peshwa, qui voulait le détacher des intérêts de son maître; il résista cependant aux offres et aux sollicitations, flatté pour son compte du respect que lui témoignait le premier ministre, mais le méprisant trop pour entrer dans ses vues intéressées. Celui-ci comprit que l’envoyé de Baroda ne serait jamais pour lui qu’un ennemi, et dès lors il résolut de le faire périr. Sous prétexte d’aller en pèlerinage au temple fameux de Pourandar, — pour lequel il professait une dévotion particulière, — Badji-Rao entraîna son hôte loin de la ville. Le résident anglais, qui suivait les brahmanes pèlerins dans leur excursion, fut écarté par d’habiles manœuvres : sa présence semblait inutile dans une cérémonie où il s’agissait d’honorer le grand Indra. L’infortuné Gangadhar, introduit dans la pagode avec pompe, y reçut l’invitation d’accomplir lui-même les rites prescrits, et comme il sortait, des assassins, s’étant jetés sur lui, le mirent en pièces.

A la nouvelle de ce crime, le résident anglais, — l’honorable Elphinstone, qui a laissé dans le Dekkan un nom justement vénéré, — fut saisi de colère et d’indignation. L’homme qui venait de périr assassiné ne s’était-il pas placé tout d’abord sous sa protection? N’était-ce pas aussi le comble de la perversité de la part d’un brah-