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elle est beaucoup plus considérable lorsque le terrain est dénudé que lorsqu’il est couvert de forêts, car celles-ci, arrêtant l’action du vent, empêchent les couches d’air de se renouveler une fois qu’elles sont saturées, et les maintiennent à une température inférieure en protégeant le sol contre l’irradiation solaire. En diminuant la quantité d’eau évaporée, elles augmentent par conséquent d’autant celle qui reste disponible pour l’absorption. Il est inutile au reste d’insister sur un fait dont tout le monde a pu se convaincre : personne n’ignore qu’après les pluies le sol des forêts reste beaucoup plus longtemps humide que celui des parties découvertes. L’évaporation ne peut se produire que lorsque, pour une température donnée, l’air n’est pas encore saturé d’humidité : or, la pluie provenant elle-même d’un excès de saturation, il s’ensuit qu’il ne peut y avoir évaporation quand il pleut, que par conséquent l’écoulement superficiel, qui se produit aussitôt après la pluie, n’est que faiblement diminué par l’évaporation ; celle-ci est donc sans action sérieuse sur les inondations proprement dites. Sous ce rapport, les terrains découverts ne présentent aucun avantage sur les forêts.

La troisième partie de l’eau tombée est absorbée par le sol. Une portion est employée à la végétation ; elle sert à charrier dans les tissus des plantes les élémens minéralogiques solubles, et se trouve ensuite rendue dans une certaine mesure à l’atmosphère par la transpiration des feuilles. L’autre portion s’infiltre peu à peu dans la terre jusqu’au point où elle rencontre une couche imperméable ; elle glisse alors sur cette couche, en suit les ondulations, et apparaît bientôt à la surface sous forme de source, quand elle n’est pas entraînée dans les profondeurs de l’écorce terrestre, si la couche qui l’a reçue ne vient pas elle-même affleurer le sol. C’est exclusivement à cette partie absorbée que sont dues l’existence des sources et l’alimentation des cours d’eau. Toute cause qui contribue à l’augmenter au détriment de l’eau qui s’évapore en pure perte, ou qui s’écoule superficiellement, a par cela même une influence salutaire sur le régime des eaux, et sous ce rapport les forêts exercent une influence des plus sérieuses.

Tous les terrains ne sont pas également perméables : les uns, comme ceux de la formation oolithique, absorbent jusqu’aux neuf dixièmes de l’eau qui tombe à leur surface ; les autres, comme les roches primitives et les terrains liasiques, ne se laissent pénétrer qu’en raison de la terre végétale qui les recouvre. Il importe donc au plus haut point que cette couche végétale soit maintenue, puisqu’elle suffit par sa seule présence à augmenter le contingent souterrain d’une partie de l’eau, qui sans elle s’écoulerait superficiellement. Or les forêts remplissent merveilleusement la fonction de fixer les terres sur les pentes les plus rapides. Il n’est pas besoin