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tocratie anglaise à diverses époques a jeté d’éclat sur la liberté de la presse en la pratiquant, combien elle a affermi, par l’usage qu’elle en faisait, les droits politiques dont elle semblait parfois l’ennemie, on ne peut s’empêcher d’applaudir au mouvement qui entraînait alors la haute noblesse de France vers la discussion des intérêts publics, et qui l’arrachait à la légèreté des mœurs et à l’engourdissement de l’esprit.

C’est ainsi que Chateaubriand tentait de discipliner la droite, et de lui enseigner l’exercice de la vie parlementaire. En lui faisant prendre rang de parti constitutionnel, il rendait possible son avènement au pouvoir le jour où le cabinet formé par le centre perdrait la majorité. Un odieux malheur, l’assassinat du duc de Berri, en provoquant une réaction de l’opinion, ne tarda pas à déterminer ce revirement de la politique. Peu à peu les avenues du gouvernement s’ouvrirent aux chefs de la droite, et après avoir été quelque temps ambassadeur à Berlin, à Londres et au congrès de Vérone, Chateaubriand prit possession du ministère des affaires étrangères, objet de son ambition. Quelles qualités ce fougueux chef d’opposition allait-il apporter à l’appui du gouvernement dont il devenait membre? « Il était, dit M. Guizot dans ses mémoires, capable, dans une grande circonstance, de concevoir et de mettre hardiment à flot un grand dessein, mais incapable de pratiquer avec énergie et patience une politique bien liée et fortement suivie. » Ce jugement est d’une remarquable exactitude. Le mérite et le défaut de Chateaubriand se firent reconnaître dans la grande entreprise qu’il appelait avec un juste orgueil sa guerre d’Espagne. C’était lui qui, au congrès de Vérone, avait fait décider et qui au ministère avait rendu possible l’intervention armée de la France. Il voulait servir la dignité de la monarchie en conservant l’œuvre de Louis XIV, l’ordre intérieur en détruisant le principal foyer de la révolution établi à nos frontières, la sécurité de la dynastie en lui conciliant l’armée. En dépit des discussions passionnées qui émurent à cette époque les chambres et le public, on ne peut contester qu’il ait habilement préparé cette guerre, qui fut glorieusement conduite. M. Villemain, en donnant le récit de cette brillante campagne, lui fait honneur, avec raison, d’en avoir eu l’idée première, et de l’avoir rendue possible malgré tant d’obstacles; mais il joint à son éloge un juste reproche, en remarquant que Chateaubriand devait, s’il avait eu autant de persévérance que d’ardeur, en mieux diriger les suites, et en recueillir de plus décisifs avantages. Peut-être ne tenait-il qu’à lui d’en étendre les bienfaits à la nation espagnole, si, plus prévoyant et plus ferme, il n’eût pas tristement annulé l’ordonnance d’Andujar, due à l’esprit sage et modéré du duc d’Angoulême, et s’il eût obtenu du roi Ferdinand VII, en échange de nos services, une ho-