Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désastres financiers de San-Francisco. L’Australie eut pourtant ses vicissitudes, et l’on y vit par exemple nos soieries lyonnaises moins chères qu’elles ne le sont à Lyon; mais la prudence britannique, et aussi, il faut bien le dire, cette scrupuleuse loyauté commerciale qui est en affaires la meilleure de toutes les habiletés, empêchèrent toujours à temps l’échec de tourner en déroute. N’oublions pas enfin le précieux avantage que l’Anglais porte partout avec lui, l’abondance de capitaux ; l’argent qui se loue encore à San-Francisco jusqu’à 30 pour 100 ne coûte en Australie que 6 pour 100 en moyenne, c’est-à-dire moins peut-être qu’il ne coûterait à Londres. Là est, selon nous, la véritable supériorité de l’Australie sur la Californie, car, pour le reste, l’habitant de Victoria est forcé de convenir que son territoire ne peut lutter de fertilité avec celui de son rival, de même qu’à richesse égale, son exploitation aurifère est de beaucoup la plus pénible des deux.

En réalité, les deux productions d’or peuvent se développer parallèlement sans se nuire, car la population s’alimente à des sources distinctes de part et d’autre, et cela est si vrai que la plupart des mineurs qui avaient quitté vers 1852 les placers de la Sierra-Nevada pour ceux de Victoria n’ont pas tardé à venir retrouver leurs anciens daims. C’est plus près de San-Francisco qu’une sérieuse concurrence peut s’élever entre les représentans de la race anglo-saxonne. La question est de date récente. Naguère encore, tout le territoire qui s’étend au nord du 49e degré de latitude, limite commune aux deux puissances, était aux mains de la célèbre compagnie anglaise de la baie d’Hudson. Nul voisin ne pouvait être plus commode pour la Californie; exclusivement préoccupée du commerce de pelleteries qui fait l’objet de son monopole, cette compagnie n’avait d’autre pensée que d’éloigner de ses domaines toute apparence de colonisation; armée d’une charte qui lui conférait de véritables privilèges de souveraineté et lui donnait pour ainsi dire droit de justice haute et basse, elle en profitait pour s’opposer, parfois arbitrairement, à tout commerce autre que le sien, comme à toute immigration qui eût eu pour effet de faire disparaître les précieux animaux dont les fourrures alimentaient ses revenus. Lorsqu’il fut question, il y a quelques années, de coloniser l’île de Vancouver, située au-dessus de la Californie, la compagnie réussit à s’en faire confier le soin; c’était le meilleur moyen de détourner le coup dont l’eût menacée la création d’un établissement populeux et actif à la porte de ses terrains de chasse, car elle avait dès lors cent manières de paralyser tout mouvement importun et ne le fit que trop bien voir. De vives réclamations ne s’en produisaient pas moins en Angleterre : on montrait la population américaine du Minnesota s’élevant en peu d’années de six mille habitans à cent quatre-vingt mille, et cela tan-