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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/966

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pies vaincues aient désarmé? La prudence commande encore aujourd’hui, comme la philanthropie l’exige toujours, l’examen des principes qui seuls peuvent assurer les améliorations sociales.


I.

De toutes les questions posées dès le 25 février 1848, la plus importante, celle qui, à vrai dire, les résuma toutes fut celle du crédit, et il suffira de quelques mots pour rappeler comment elle se formula : — Le travail est le devoir et l’honneur de l’individu. — Toute jouissance vient du travail. — Les instrumens du travail, c’est-à-dire le capital, doivent être distribués à chacun. — Le grand distributeur, le multiplicateur du capital, c’est le crédit.

Organiser le crédit, le mettre à la disposition du plus grand nombre, faciliter la circulation du capital, l’accroître et par là développer le travail et augmenter la somme de bonheur pour chacun, voilà l’idée intime, la pensée finale et civilisatrice dégagée de l’agitation des esprits avant, pendant et depuis l’époque dont il s’agit. En février 1848, beaucoup d’autres formules étaient proposées, et demandaient une application immédiate : qu’on nous permette d’en rappeler trois qui eurent alors un grand retentissement.

M. Louis Blanc, dans son livre sur le droit au travail, réclamait la suppression de la concurrence, l’égalité absolue des salaires, l’abolition de tout profit pour le capital au-delà de l’intérêt légal. Entre le patron et les ouvriers, il devait y avoir association, participation de bénéfices, et comme l’intérêt des ouvriers était de premier ordre, c’était à eux-mêmes qu’il appartenait de désigner par l’élection les chefs de travaux. — M. Vidal, en traitant de la distribution des richesses, signalait le paupérisme comme un fléau d’origine moderne, conséquence forcée du régime appelé la liberté du travail. L’erreur fondamentale de l’industrialisme actuel se trouvait dans la détermination de la valeur des choses. En admettant deux valeurs, la valeur d’usage et la valeur d’échange, on avait méconnu la vraie valeur sociale, qui est uniquement celle qui représente la quantité des choses nécessaires à la satisfaction des besoins sociaux. La valeur vénale avait dénaturé la valeur sociale, elle avait créé l’exploitation de l’homme par le servage et le salariat. Il fallait donc supprimer la valeur d’échange et trouver un étalon unique des valeurs. — Enfin M. Proudhon (Du Droit au travail et du Droit de propriété) s’élevait contre les différences qu’on reconnaît entre le produit net et le produit brut. Il n’y a pas là de différence, puisque les produits doivent s’échanger contre des produits. Si la valeur créée est le produit brut, si le produit net s’obtient après la déduction des frais de production, comment s’opérera l’é-