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gne ou de prêts à intérêt, un concours qui, de 1851 à 1855, n’a jamais été moindre de 19 millions, et a dépassé le chiffre de 23. En récapitulant le total des fonds roulans de ces cinq établissemens, produit, soit par leur capital social, soit par celui que leur prête temporairement le public, on trouve pour cette même année 1855 un total de 256 millions, assurément bien inférieur à la somme des dépôts confiés aux banques d’Ecosse, lesquels en 1826 atteignaient déjà le chiffre de 500 millions, mais qui permet néanmoins de faire quelque chose dans un aussi petit pays que la Belgique.

Un seul fait suffira d’ailleurs à établir à la fois que le crédit n’y repose pas sur des bases trop étroites, et qu’on en a fait un usage prudent et modéré. Au moment où l’escompte atteignait en France et en Angleterre des taux si élevés, où les faillites se multipliaient au nord et au milieu de l’Europe dans une si grave proportion, la Belgique n’éprouvait ni embarras, ni temps d’arrêt dans ses transactions. A Bruxelles, un grand établissement de construction pouvait soumissionner en France des fournitures importantes, et acceptait comme paiement du papier à quinze ans de date, avec un simple intérêt de 6 pour 100, assuré qu’il était de placer son propre papier en Belgique à un intérêt moindre. Certes le spectacle de la prospérité si calme et si sûre d’elle-même d’un petit état qu’on pourrait appeler proprement une ruche industrielle est de nature à nous inspirer des réflexions, et on a pu se laisser détourner un moment du sujet principal de cette étude pour corroborer par quelques chiffres la bonne opinion qu’inspire une nation respectable dans le passé, méritoire dans le présent et enviable dans l’avenir.

Après avoir cité l’exemple de l’Union du Crédit de Bruxelles, fondée sur le principe de la mutualité, il convient de mentionner divers essais analogues tentés en Allemagne et surtout en Prusse.

L’idée-mère des banques d’avances (vorschutz-banken), qu’on appelle aussi banques du peuple (volks-banken), est de rendre créditable, non le travail fait, non tel travail particulier à faire, mais bien en général l’ouvrage à exécuter, ou la force ouvrière. On lui fait d’ordinaire peu de crédit parce que le gage est incertain : le chômage, la maladie de l’ouvrier rendent souvent le remboursement du prêt impossible; mais si quelques centaines, quelques milliers d’ouvriers se réunissent pour s’engager mutuellement, les mauvaises chances réparties sur un grand nombre se font à peine sentir, et celles des uns se trouvent compensées et au-delà par les bonnes chances des autres. Agglomérées et assurées, les forces ouvrières mériteront ainsi un crédit qu’on leur refuserait si elles restaient isolées, et les sociétaires n’auront plus qu’à répartir équitablement entre eux les sommes que leur fait trouver le crédit collectif.

Cette idée, sur laquelle reposent les banques d’avances, est bien