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différente de celle qui avait présidé à la création des associations industrielles fondées après 1848 pour la production en commun de certains objets déterminés et la répartition des fruits du travail sur un mode plus ou moins équitable, tel par exemple que l’égalité absolue des salaires. Dans ces associations, le résultat à obtenir était tout autre, et il avait fallu au préalable soumettre les sociétaires à une sorte de règle impérieuse et de tyrannie difficile à supporter. La banque d’avances n’empiète en aucune façon sur la liberté de l’ouvrier, c’est un lien, non un joug; ce n’est pas non plus un établissement de bienfaisance distribuant des dons qui indignent le travailleur et l’abaissent au rang d’indigent : la charité n’est pas de son domaine. Ce n’est pas non plus une banque, puisqu’elle n’émet ni bons, ni billets, qu’elle ne fait ni l’escompte ni la commission. Elle ne vise pas au profit; ce qui en fin de compte lui reste au-delà de ses frais retourne, à des époques et à des conditions déterminées, aux sources premières. La banque d’avances ne prête qu’à ses sociétaires, et constitue une association particulière fondée sur la mutualité pour garantir à ses membres un certain crédit, semblable pour le crédit ouvrier à ce que sont les sociétés d’emprunteurs en Allemagne pour le crédit foncier. La réunion une fois constituée emprunte, et le comité administratif accorde des prêts individuels suivant ses moyens disponibles et selon les besoins, les demandes et la solvabilité des sociétaires qui s’adressent à lui. La communauté n’existe donc que pour l’engagement collectif vis-à-vis du capitaliste auquel la banque emprunte des fonds : pour tout le reste, chaque membre de l’association conserve son entière indépendance, soit pour l’exploitation de son industrie ou de son commerce, soit pour l’emploi des sommes que la banque lui avance.

Chaque client est soumis d’ailleurs à un droit d’admission et à des cotisations mensuelles. Le droit et la cotisation sont très modestes, l’un de 10 à 15, l’autre de 2 silbergros[1]. Ces contributions permettent à la banque d’opérer sur ses propres fonds, et constituent pour chaque associé des épargnes ou bonis au prorata desquels on répartit les dividendes au bout de chaque exercice. On peut même emprunter sur son propre boni et s’ouvrir ainsi un faible crédit sur sa seule signature. Pour des prêts plus élevés, l’emprunteur a besoin d’un garant, d’un autre sociétaire qui signe la reconnaissance avec lui. Ces emprunts descendent souvent jusqu’à 5 ou 10 tha1ers (18 fr. 75 et 37 fr. 50), et s’élèvent à 400 ou 1,000 thalers (1,125 et 3,750 fr.). Les prêts ne sont pas gratuits ; mais peu importe, puisque, les frais d’administration une fois payés, le surplus des bénéfices se partage entre les associés.

  1. Le silbergr. vaut 12 centimes 1/2.