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les questions intérieures qui peuvent s’élever entre les populations et les gouvernemens, intervention irrésistible, écrasante, oppressive et toujours exercée au profit des gouvernemens contre les peuples. M. de Cavour vient encore, devant le sénat de Turin, de tirer très habilement parti de ces traités, exagération abusive des avantages que les arrangemens de 1815 ont assurés à l’Autriche. C’est évidemment sur ce point que lord Cowley va demander à la cour de Vienne de conciliantes concessions. Quelle sera la mesure, quelle sera la forme de ces concessions ? Nous n’essaierons pas de le deviner, et cependant lord Palmerston, qui en sait plus long sur la mission de lord Cowley qu’il ne veut en avoir l’air, a, dans la séance de la chambre des communes de vendredi dernier, donné une indication qui peut mettre le public sur la voie de la vérité. « Nous savons tous, a-t-il dit, que l’Autriche a certains traités avec les états de l’Italie. Ces. traités contiennent, je crois, des engagemens de deux natures : les uns stipulent la protection de ces états contre des agressions étrangères ; les autres ont pour objet d’assurer aux gouvernemens l’assistance de l’Autriche dans leurs affaires intérieures. » Personne, suivant lord Palmerston, ne pourrait demander t l’Autriche d’abandonner la partie de ces traités qui se rapporte aux éventualités extérieures.^ Il rappelle les liens de parenté qui unissent la plupart des maisons régnantes d’Italie à la maison d’Autriche, et qui justifient de semblables engagemens ; même en dehors des considérations de famille, il peut convenir à une grande puissance de se lier ainsi à la défense d’un état plus faible contre les attaques étrangères, et c’est, dit lord Palmerston, ce qu’a fait l’Angleterre par ses traités avec le Portugal. « Mais, ajoute-t-il, les engagemens d’autre sorte, ceux qui ont trait à l’intervention dans les aff"aires intérieures des états, sont de telle nature que l’Autriche peut honorablement, et avec un parfait sentiment de sa dignité, y mettre fin. » L’évacuation par laquelle cesserait le fait de l’intervention étrangère à Rome serait pour lord Palmerston une garantie insuffisante, si elle n’était qu’un accident passager, si elle n’était accompagnée de la répudiation même de ce principe d’intervention, origine de tous les maux et cause des perturbations actuelles. Tel est sans doute le sens des concessions que lord Cowley demande en ce moment à la cour de Vienne.

Mais, sans aller plus avant dans les conjectures sur l’objet de la mission de lord Cowley, cette mission révèle chez le gouvernement anglais des intentions favorables à la paix si fortement accusées, qu’elles méritent d’être prises en très sérieuse considération, et par les gouvernemens qui ne pourraient sans injustice et sans imprudence répondre par un mauvais procédé au bon vouloir de l’Angleterre, et par l’opinion publique en Europe, trop heureuse de rencontrer un concours si puissant à ses vœux pour la paix. Nous savions, par la discussion de l’adresse dans le parlement anglais, que l’Angleterre avait recommandé à la France et à l’Autriche une sérieuse négociation sur les affaires d’Italie avant d’en venir à des extrémités irréparables ; mais comment pouvait s’engager cette négociation ? Il ne semblait pas que ni l’une ni l’autre des deux puissances que divise la question italienne en pût prendre l’initiative. L’Angleterre au contraire, qui conseillait la négociation, qui en croyait le succès possible, et qui n’était point compromise