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sant de croire à la guerre. Si l’Autriche, se rendant aux avis de l’Angleterre, modifie ses traités avec les petits états de l’Italie de telle sorte que le développement politique intérieur de la péninsule ne soit plus entravé par les ingérences étrangères et par une perpétuelle menace d’intervention, la crise actuelle sera conjurée. Alors commencera en Italie une situation nouvelle, dont les débuts ne seront sans doute pas exempts de troubles et de difficultés : peut-être les gouvernemens de l’Italie seront-ils incommodés d’un état de choses si nouveau, où ils auront à régler sans intermédiaire leurs comptes avec leurs sujets ; mais si c’est un malheur pour eux, ce n’est pas nous qui les plaindrons. Nous souhaitons au contraire avec lord Palmerston, quia illustré cette conclusion par une si plaisante anecdote, qu’on les abandonne le plus tôt possible à la calamité si redoutée qui les forcera de transiger avec leurs peuples et de se réformer. Si difficile que soit l’expérience ; nous le répétons, la conscience de l’Europe exige qu’elle soit tentée. Ce serait un grand résultat que de l’avoir rendue possible, et ce résultat, dû à la persévérance de M. de Cavour, et à la France, qui l’a soutenu, terminerait cette première phase de la question italienne par un succès très honorable pour la politique sarde et la politique française.

Les perspectives qu’ouvre la mission de lord Cowley et l’appui que la Prusse donnera certainement aux conseils du négociateur anglais nous permettent, croyons-nous, de ne point faire attention à l’agitation excitée en Allemagne par l’appréhension de la guerre. Que l’esprit teutonique se réveille avec énergie, nous en sommes plus affligés que surpris ; mais si l’Autriche croit trouver quelque force dans ce mouvement dont le Hanovre et la Bavière semblent prendre la direction, nous espérons qu’elle ne s’en servira que pour faire plus honorablement et de meilleure grâce la retraite que l’opinion de l’Europe attend d’elle. Parmi les satisfactions que la certitude de la paix donnerait aux intérêts européens, il en est qui ne doivent point être indifférentes aux intérêts particuliers de l’Autriche. Ne serait-il pas fort périlleux pour elle par exemple d’avoir à soutenir une lutte formidable en Italie en ayant sur sa frontière orientale la conflagration des provinces chrétiennes de la Turquie, que la dernière guerre a conduites si près de l’indépendance absolue ? Ce qui se passe en Servie et dans les principautés roumaines est évidemment le début d’un grand travail de fermentation et de réorganisation parmi les races danubiennes. Quant à noiis, qui portons à ces populations une sympathie désintéressée, nous serions heureux pour elles que ce travail difficile se put accomplir au milieu de la paix générale, et ne courût point le risque d’être compromis par les incertitudes et les vicissitudes inséparables d’une guerre continentale. Nous ne voudrions point réveiller contre la politique russe en Orient des ombrages intempestifs ; mais serait-il prudent d’oublier que le temps n’est pas loin de nous où la Russie exerçait sur les provinces slaves et grecques de religion un protectorat habituel ou un actif patronage ? Déjà l’on peut considérer la révolution qui s’est opérée en Servie comme une revanche partielle, pour l’influence russe, des échecs de la dernière guerre. Le grand grief du peuple serbe contrôle prince Alexandre, grief habilement exploité par le clergé, c’était la résistance qu’il avait opposée pendant la guerre aux sympathies qui attiraient les Serbes vers la cause de leurs coreligionnaires de Russie. Les premiers efforts des