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transactions heureuses, à l’aide de son fidèle allié, le temps. «Le temps et moi, » disait-il souvent. Le temps et lui étaient venus à bout de l’aristocratie française, et le 3 février 1653 elle lui servait au Louvre de rempart et d’ornement.


VIII.

Mazarin avait fait sur le parlement un travail à la fois différent et semblable, et qui fut couronné d’un égal succès.

Nous vénérons le souvenir et jusqu’au nom du parlement de Paris. Jamais nulle autre part l’œil des hommes n’a vu une pareille magistrature, aussi imposante par son indépendance, par son savoir, par la gravité de ses mœurs et la vie austère à laquelle elle était vouée. C’est une institution originale et toute française, qui, sortie un jour, dans une circonstance extraordinaire, des besoins de la royauté[1], s’établit peu à peu, s’enracine, se popularise, et traverse de longs siècles, environnée du respect public, jusqu’au XVIIIe siècle, où elle s’énerve avec tout le reste, et, comme tout le reste encore, succombe sous ses fautes[2] et s’abîme dans le naufrage universel. Mais dans le sein de cette grande institution était un vice qui devait, avec le temps, amener sa ruine après lui avoir donné quelquefois un éclat plein de dangers : nous voulons dire le mélange de la justice et de la politique. En effet, le parlement n’était pas seulement une cour de justice; en tant que cour des pairs, il se transformait en une assemblée politique qui délibérait sur les plus grandes affaires de l’état, et où l’éducation particulière de la plupart des membres, leurs études habituelles, les qualités même qui faisaient l’honneur de leur profession, leur devenaient un écueil. La justice repose sur des maximes inflexibles comme les lois de la morale éternelle; elle demande par-dessus tout à ses interprètes une conscience droite et pure. Il n’en est pas ainsi de la politique : elle n’a point de principes absolus; elle exige donc un tout autre esprit, et les magistrats les plus savans et les plus intègres, les plus capables de bien juger en matière de droit civil, quand ils étaient jetés

  1. « Un jour, un roi de France, ayant besoin d’argent, trouva simple de mettre en vente, quoi? La puissance publique. Elle fut achetée; elle devint la propriété des acheteurs. Qui l’eût cru? De cet opprobre de la vénalité des offices sortit une magistrature admirable, la lumière et la force des derniers siècles de la monarchie. » M. Royer-Collard, discours sur la septennalité, le 3 juin 1824.
  2. Rappelez-vous d’abord l’intolérant jansénisme du parlement, puis le parlement Maupeou, enfin la fatale décision que les états-généraux seraient convoqués en leur forme accoutumée, c’est-à-dire en trois ordres différens comme au moyen âge, tandis que le roi, s’il n’eût pas été enchaîné par la déclaration du parlement, aurait pu, en réduisant les trois ordres à deux et en rendant les états-généraux périodiques, donner la monarchie constitutionnelle et éviter une révolution.